SOFIA, Bulgarie (AP) - Le procès de six Bulgares accusés d'avoir sciemment inoculé le virus du SIDA à 400 enfants libyens pourrait s'achever lundi en Libye. Sofia espère qu'ils échapperont à la mort, tant en raison du manque de preuves à charge que du désir de Tripoli de normaliser ses relations avec la communauté internationale.
"Ils sont innocents", a affirmé à l'Associated Press le ministre bulgare des Affaires étrangères, Solomon Pasi, qui a rencontré Moammar Kadhafi trois fois depuis le début du procès en février 1999. Cinq années qui sont passées "comme un mauvais rêve" pour Marian Georgiev, le fils du Dr Zdarvko Georgiev, accusé aux côtés de cinq infirmières. "Ils sont tous pessimistes et désespérés. Nous les considérons comme des otages", ajoute le fils du médecin.
Le parquet de la ville côtière de Benghazi a requis la peine capitale dans cette affaire considérée un temps par le colonel Kadhafi comme un complot américano-israélien contre son régime. Les autorités libyennes privilégient aujourd'hui la thèse d'un essai thérapeutique clandestin sur ces enfants transfusés, dont plusieurs sont morts.
Ce revirement ne change pas grand-chose pour la défense. "Ils doivent prouver qu'ils sont innocents alors que la présomption d'innocence est le principe de base de la justice dans le monde entier. C'est monstrueux de faire un procès ainsi biaisé", estime Ivan Nenov, époux de l'infirmière Nasya Nenova.
L'indignation est d'autant plus grande en Bulgarie que le témoignage à l'automne dernier du co-découvreur du virus du SIDA, le professeur français Luc Montagnier, a innocenté les accusés.
Le Dr Montagnier a en effet déclaré que la contamination était probablement due au manque d'hygiène à l'hôpital de Benghazi et qu'elle remontait à 1997, plus d'un an avant l'arrivée de l'équipe bulgare dans l'établissement.
Le Dr Ivo Raychev, un neurologue de Sofia qui a passé un an en Libye à la fin des années 1990, confirme que les établissements "ignorent le concept de stérilisation" et réutilisent les aiguilles.
En réponse, la justice libyenne brandit un dossier de 1.600 pages contenant notamment des aveux signés, et assure que le procès, qui vise également neuf membres du personnel libyen pour négligence, est transparent et juste. Il est suivi par des observateurs internationaux.
Pourtant, des organisations comme Amnesty International ou même l'Union européenne critiquent la procédure, et Solomon Pasi affirme avoir réuni un gros dossier prouvant que les accusés ont été torturés: électricité, coups et blessures, viol pour deux des cinq femmes.
Le gouvernement bulgare incite les accusés à demander une enquête de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais ils hésitent. "Nous ne savons pas quoi faire", a expliqué l'infirmière Valya Chervenyaska à une radio bulgare, depuis sa cellule.
Si la peine de mort est prononcée, l'espoir demeure que le colonel Kadhafi accorde sa grâce ou que la sentence soit commuée en peine de prison exécutable en Bulgarie.
Mais Nikolai Zhelyazkov, journaliste et connaisseur de la Libye, se montre pessimiste, étant donnée la pression des familles des enfants. "Ils ont besoin de coupables et le plus simple est de dire que ce sont les étrangers", souligne-t-il.