BAMAKO - La condamnation à mort mardi par la cour d'assises de Bamako de l'ancien président malien, le général Moussa Traoré, et de sa femme Mariam, intervient plus de neuf ans après la chute d'un dictateur qui avait dominé le pays pendant 23 ans.
Le général Traoré, renversé en 1991, avait déjà été condamné à mort le 12 février 1993 pour "crimes de sang", mais n'avait pas été exécuté, par décision du président Alpha Oumar Konaré, qui s'était déclaré "hostile à la peine de mort" et avait souhaité que "Moussa Traoré et ses amis vivent le plus longtemps possible pour qu'ils voient la démocratie fleurir au Mali".
La peine du dictateur avait été commuée en détention à perpétuité en décembre 1997. Mais il devait depuis répondre de "crimes économiques", pour lesquels il est aujourd'hui condamné.
Né le 23 septembre 1936 à Sébétou dans la région de Kayes (sud-ouest) d'une famille Malinké, Moussa Traoré est le fils d'un soldat de l'armée française dans laquelle il s'engage lui-même en 1954. Admis en 1960 à l'école d'officiers de Fréjus en France, il sort major de sa promotion, est nommé lieutenant dans l'armée malienne en 1964, puis instructeur de l'école interarmes de Kati jusqu'en 1968.
Le 19 novembre 1968, le jeune lieutenant est le principal promoteur du coup d'Etat qui renverse Modibo Keita, au pouvoir depuis l'indépendance en 1960. Dès lors, il va s'appliquer à verrouiller l'ensemble de l'appareil d'Etat.
En septembre 1969, il devient président du "Comité militaire de libération nationale" (CMLN), chef de l'Etat et du gouvernement. Il est promu colonel en 1971, général sept ans plus tard.
C'est ensuite l'heure des purges. En février 1978, il fait arrêter plusieurs membres du gouvernement accusés de créer un "Etat dans l'Etat" et fonde l'Union démocratique du peuple malien (UDPM, parti unique), dont il devient le secrétaire général en mars 1979. Grâce à cet organe pseudo-démocratique, il fait valider son pouvoir par les urnes et devient président élu quatre mois plus tard.
Elégant, vêtu de ses boubous blancs et bleu ciel, la voix douce et le sourire franc, il dissimule une poigne de fer et un fin calcul politique qui lui permettent d'affronter une forte agitation estudiantine puis une grave crise économique.
Il supprime le poste de premier ministre en 1988 et reste sourd aux pressions intérieures favorables au multipartisme, tandis qu'il prend une dimension régionale importante, grâce à ses talents de diplomate.
Il préside le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (1980-83), puis l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1988-89. Il joue notamment un rôle très important dans les crises sénégalo-mauritanienne et tchado-libyenne, ainsi qu'entre les parties belligérantes au Libéria.
En janvier 1990, il réussit à obtenir un accord de paix avec la rébellion armée des Touaregs du Mali, auxquels il consent d'importantes concessions. Mais en mars 1991, les militaires qu'il avait envoyé contre les manifestants pro-démocratiques se retournent contre lui et le renversent au cours d'une sanglante insurrection, qui fait officiellement plus de deux cent morts et un millier de blessés.
Emprisonné depuis, il a toujours conservé une dignité et un détachement surprenants pour un homme promis, au mieux, à la prison à vie. Il affirme être revenu de la politique et s'attendre au sort qui lui est aujourd'hui réservé. "Quand on a embrassé une carrière militaire, on s'est préparé à l'idée de ne pas mourir dans son lit", avait-il déclaré en entendant son premier verdict en 1993.