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Une 13e exécution fédérale menée au soir de la présidence Trump, du jamais-vu

dépêche de presse du 16 janvier 2021 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Dustin John Higgs
Les autorités fédérales américaines ont procédé samedi à leur 13e et dernière exécution en six mois, selon des médias, une série inédite qui, là encore, distinguera Donald Trump de ses prédécesseurs dans les livres d'Histoire.

Dustin Higgs, un homme noir de 48 ans, a reçu une injection létale dans le pénitencier fédéral de Terre-Haute dans l'Indiana, a indiqué le New York Times.

Il a été déclaré mort à 01H23 (06H23 GMT), a indiqué le journal, citant une déclaration du Bureau fédéral des prisons.

Un soir de janvier 1996, il avait invité trois jeunes femmes dans son appartement, près de Washington, avec deux amis. L'une d'elle ayant refusé ses avances, il avait proposé de les reconduire, mais s'était arrêté dans une réserve fédérale isolée. Selon le ministère de la Justice, il avait alors ordonné à l'un de ses amis d'abattre les trois femmes.

En 2000, il avait été condamné à la peine de mort pour enlèvement et assassinat. L'auteur des coups de feu a, lui, écopé d'une peine de rétention à perpétuité.

"C'est arbitraire et inéquitable de punir M. Higgs plus que le tueur", avait estimé son avocat Shawn Nolan dans une demande de clémence adressée à Donald Trump. Comme dans d'autres dossiers, le président républicain, un fervent défenseur de la peine de mort, n'avait pas donné suite.


Au contraire, son administration s'est battue en justice pour pouvoir procéder à l'exécution avant qu'il ne quitte la Maison Blanche, dans quatre jours.

Un tribunal avait en effet accordé, mardi, un sursis à M. Higgs parce qu'il avait contracté le Covid-19 et risquait de souffrir davantage au moment de l'injection de pentobarbital. Le ministère de la Justice avait immédiatement fait appel, et obtenu gain de cause.

Un dernier recours, qui portait sur des questions de juridiction, avait été étudié par la Cour suprême, qui l'a rejeté: la haute juridiction, profondément remaniée par Donald Trump compte désormais six juges conservateurs sur neuf et ils ont systématiquement donné leur feu vert aux exécutions fédérales depuis l'été.

- "Tuer plutôt qu'épargner" -

L'administration républicaine a renoué en juillet avec une pratique suspendue depuis 17 ans, alors qu'au même moment les Etats reportaient toutes les exécutions pour éviter de propager le virus.

Depuis, douze Américains ont reçu des injections létales à Terre-Haute, dont, pour la première fois en près de 70 ans, une femme, exécutée malgré les doutes sur sa santé mentale.

"Il n'y a jamais eu autant d'exécutions fédérales en un laps de temps aussi court", relève Richard Dunham, le directeur du Centre d'information sur la peine de mort: "Le maximum de civils exécutés par les autorités fédérales était de 16 en 1896", contre, là, 13 exécutions en six mois.

Avec l'exécution de M. Higgs, six ont eu lieu depuis la victoire de Joe Biden à la présidentielle du 3 novembre, là encore du jamais-vu, ajoute-t-il.

"Historiquement, les présidents en fin de mandat se concentrent sur les pardons et la commutations de peines", rappelle M. Dunham. Avant Donald Trump, aucun président sortant "n'a exercé son pouvoir discrétionnaire pour tuer des gens plutôt que pour les épargner".

Si le rythme est inédit, le profil des condamnés reflète, selon l'expert, des problèmes récurrents dans l'application de la peine capitale aux Etats-Unis, avec une surreprésentation des personnes de couleurs (sept des 13), deux personnes ayant de lourdes déficiences intellectuelles, deux souffrant de troubles mentaux et deux tout juste majeures au moment de leur crime.

Sensible à ces travers, le démocrate Joe Biden, qui prêtera serment mercredi, a fait campagne sur son opposition à la peine de mort et a promis de travailler avec le Congrès pour tenter de l'abolir au niveau fédéral.

Des parlementaires démocrates ont introduit lundi une proposition de loi en ce sens. Leur parti ayant repris le contrôle du Sénat, elle pourrait être adoptée.

"Mais les démocrates devront convaincre certains de leurs collègues républicains", estime M. Dunham, en rappelant qu'aucune mesure abolitionniste n'a jamais été adoptée sans un soutien des deux partis.
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