WASHINGTON (AFP) — La Cour suprême américaine a rejeté mardi le dernier recours de Troy Davis, un Noir américain condamné à mort en Géorgie (sud-est) pour le meurtre d'un policier blanc et qui clame son innocence, ouvrant la voie à une exécution imminente.
Sa dernière chance d'échapper à l'injection mortelle repose désormais sur les épaules du comité des grâces de Géorgie, seul habilité à la clémence mais qui avait déjà refusé de suspendre l'exécution de Troy Davis en septembre.
Le 23 septembre, la Cour suprême avait prononcé un sursis, deux heures avant l'exécution de ce condamné à mort de 39 ans, dont 17 dans le couloir de la mort.
Les neuf sages souhaitaient prendre le temps de décider s'ils se saisissaient ou non de son appel pour l'organisation d'un nouveau procès.
L'appel demandait aux juges s'il était constitutionnel d'exécuter un innocent quand celui-ci apportait des éléments nouveaux et solides démontrant qu'il n'est pas coupable.
Troy Davis a été condamné à mort en 1991 pour le meurtre d'un jeune policier de 27 ans, abattu de nuit lors d'une altercation en août 1989 sur le parking d'un fast-food, à Savannah (Géorgie) sur la base de neuf témoignages, dont sept se sont depuis dédits.
Il n'a jamais nié avoir été présent sur les lieux mais a toujours assuré ne pas être le tireur.
Le sursis de M. Davis, dont la photo, le regard triste, circule sur internet, a donc été de courte durée puisque la Cour suprême avait pris soin de préciser que, si l'appel était rejeté, une nouvelle date d'exécution serait programmée.
"La décision de la Cour suprême est vraiment choquante, l'importance des preuves de l'innocence de Troy Davis n'aura pas l'occasion d'être examinée", a immédiatement réagi, dans un communiqué, Larry Cox, directeur exécutif d'Amnesty international aux USA.
Il a regretté que la Cour rejette cette "opportunité de clarifier la constitutionnalité de la mise à mort d'un innocent".
Lors du procès de Troy Davis, les jurés se sont appuyés sur des témoignages à charge, en l'absence de l'arme du crime -- jamais retrouvée --, de preuves matérielles, d'empreintes ou de traces ADN.
Ces témoins ont assuré avoir agi sous la contrainte de la police, selon Amnesty international qui a rédigé un rapport en forme de contre-enquête sur l'affaire et dans les médias américains.
Un homme illettré aurait ainsi signé une déposition rédigée par la police, sans bien sûr pouvoir la lire, une jeune femme en liberté conditionnelle a eu peur de dire aux policiers qu'elle n'avait pas vu le tireur, dans la pénombre, et un adolescent a accusé Troy Davis sous la menace de poursuites pour complicité.
En outre, plusieurs nouveaux témoignages désignent un autre homme comme le tireur et affirment que celui-ci leur aurait d'ailleurs confessé son crime à plusieurs reprises. Celui-ci a déposé contre Troy Davis au procès.
En juillet 2007, le comité des grâces de l'Etat avait déjà suspendu l'exécution 24 heures avant, afin d'analyser les nouveaux éléments présentés par les avocats de Troy Davis.
"Il est choquant qu'en plus de 12 ans d'appels, aucun tribunal n'ait accepté de tenir une audience sur les pressions de la police ou de prendre en considération les rétractations de témoignages", avait alors écrit l'archevêque et prix Nobel de la paix Desmond Tutu.
Le pape Benoît XVI, le Conseil de l'Europe, l'ancien président Jimmy Carter et l'actrice Susan Sarandon ont aussi appelé à la clémence.
"Quand l'accusé est noir et la victime blanche, la probabilité que la peine de mort soit imposée est plus grande. Quand la victime est un policier blanc, l'accusé n'a presque aucune chance", avait commenté le 23 septembre Sarah Totonchi, membre du comité de soutien de Troy Davis.