Islamabad - La Cour suprême du Pakistan a suspendu jeudi les exécutions capitales ordonnées par les tribunaux militaires mis en place cet hiver après un massacre perpétré par les rebelles talibans dans une école de Peshawar (nord-ouest).
Quelques semaines après ce carnage, en janvier, le parlement pakistanais avait autorisé un changement constitutionnel permettant la constitution de ces tribunaux d'exception pour juger les affaires de terrorisme, suscitant l'inquiétude chez certains avocats et défenseurs des droits de l'Homme.
Cette réforme était l'une des mesures décidées par le gouvernement pour tenter de neutraliser définitivement les réseaux rebelles, après l'émoi provoqué par l'attaque terroriste de Peshawar, la plus sanglante de l'histoire du pays, avec au moins 150 morts dont plus de 130 écoliers.
L'armée pakistanaise a annoncé au début de ce mois les premiers verdicts prononcés par ces nouveaux tribunaux, qui ont condamnés à mort six rebelles présumés et à la prison à perpétuité un autre en lien avec des actes de terrorisme. Elle a toutefois donné peu de détails sur les chefs d'accusation et le déroulement des procès, non annoncés et tenus à huis clos.
Ces exécutions capitales ont été suspendues jeudi par un panel de 17 juges de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaires du pays, à la suite d'une requête de l'association des avocats de la Cour suprême qui contestent la constitutionnalité des tribunaux militaires.
Le jugement de la Cour suprême a précisé que les condamnés par les tribunaux militaires avaient le droit de faire appel et demandé à l'avocat général d'y répondre d'ici le 22 avril.
L'influente avocate et militante des droits de l'Homme Asma Jahangir, qui a de son côté déposé une autre requête contestant le secret de ces procès militaires, a toutefois souligné devant la presse que cette décision ne concernait que les exécutions déjà ordonnées et n'empêchera donc pas ces tribunaux de continuer à fonctionner.
Nous déposerons des requêtes contre d'autres procès s'il est prouvé que ces tribunaux constituent un déni des droits de l'Homme les plus fondamentaux, a ajouté Asma Jahangir.
Réitérant son opposition et celle de ses confrères à ces parodies de tribunaux, Mme Jahangir a souligné que les familles de condamnés n'avaient pas été prévenues de la tenue des procès militaires et n'y étaient donc pas présentes.
Cette décision est un grand accomplissement qui montre que la justice joue son rôle en toute indépendance et qu'aucun système judiciaire parallèle ne peut être autorisé dans le pays, s'est félicité Inam-ur-Rehman, un avocat qui a défendu des accusés face aux tribunaux militaires.
La Commission internationale des juristes (CIJ), une ONG de défense des droits de l'Homme, avait dans un communiqué dénoncé le caractère secret et opaque des tribunaux militaires pakistanais, dénonçant une atteinte aux obligations fondamentales d'équité et de transparence de la justice, et à rebours selon elle de l'évolution internationale récente qui tend à limiter la champs d'action des juridictions militaires.
Le Parlement pakistanais a autorisé l'usage des tribunaux militaires pour une durée de deux ans, les affaires lui étant transmises par les gouvernement provinciaux.
La rivalité permanente entre le pouvoir civil et l'armée, considérée comme l'institution la plus puissante du pays, est l'une des constantes de l'histoire mouvementée du Pakistan, né en 1947 de la partition de l'empire britannique des Indes, jalonnée de plusieurs conflits et coups d'Etat militaires.