Comité des droits de l'homme
26 octobre 2015
Le Comité des droits de l'homme a examiné, ce matin, un premier projet d'observation générale sur l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant le droit à la vie. Le projet a été préparé, suite à une décision du Comité à sa session de l'automne 2014, par MM. Yuval Shany et Nigel Rodley, membres du Comité.
M. Fabián Omar Salvioli, président du Comité, a précisé que l'observation générale s'adresserait à tous les États: aussi sa version définitive devra-t-elle recueillir la contribution de tous les membres du Comité mais aussi d'intervenants externes dans le cadre de consultations avec la société civile.
M. Shany a précisé que le projet serait ouvert aux commentaires de la société civile quand il aura été adopté par le Comité dans son ensemble. Il a indiqué que le projet reposait sur la même structure formelle que la précédente observation générale et qu'il avait été élaboré en tenant compte de nombreuses sources, en particulier les observations finales d'autres organes conventionnels des Nations Unies et régionaux et les propres observations du Comité suite aux communications dont il a été saisi. M. Rodley a précisé que le processus de consultation sur les observations générales du Comité avait été quelque peu assoupli pour permettre une plus grande transparence. Mais les contributions extérieures, officielles ou officieuses, ne seront prises en compte qu'à un stade ultérieur du processus de rédaction.
En l'état, ce premier projet d'observation générale (disponible pour information sous la cote CCPR/C/GC/R.36/Rev.2) précise la portée du droit à la vie défendu par l'article 6 du Pacte. Le droit à la vie comprend le droit de vivre dans la dignité; il est garanti à toutes les personnes, y compris aux personnes suspectées ou convaincues de crimes graves, comme par exemple des crimes terroristes. Le projet d'observation générale pose le principe d'interdiction de la privation arbitraire de liberté et définit en quoi consiste l'obligation pour les États parties de protéger le droit à la vie, y compris par des mesures actives. Dans sa partie consacrée à la peine de mort, le texte précise les conditions auxquelles il est possible d'infliger la peine de mort, et notamment la nécessité de tenir toujours compte des circonstances personnelles de la personne accusée; et l'importance de respecter le principe du non-refoulement de personnes vers des États où elles risqueraient une exécution capitale.
Au cours d'une discussion générale, les membres du Comité ont généralement salué l'équilibre du projet d'observation générale, en particulier sur les sujets pouvant susciter des controverses ou des interprétations divergentes, comme l'avortement. Il a été souligné que l'observation devrait insister sur l'obligation de réserver la peine de mort aux crimes les plus graves; et que la disparition forcée pourrait être mentionnée dans un chapitre à part, à rang égal avec la peine de mort.
Plusieurs experts ont noté que le projet d'observation générale imposerait de passer d'une conception étroite des obligations des États – ne pas bafouer le droit à la vie – à une conception élargie au droit de vivre dans la dignité et dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, qui implique que les États doivent prendre des mesures actives pour garantir le droit à la vie. Un expert a jugé, au contraire, que le texte devrait s'en tenir au «noyau dur» de la défense du droit à la vie stricto sensu. Les experts se sont interrogés sur la pertinence d'évoquer explicitement le problème du terrorisme dans le projet d'observation générale.
Un expert a observé que le contexte actuel extrêmement difficile était marqué par un terrorisme qui fait de la violation du droit à la vie son principe d'action et par l'extension concomitante de la logique de la légitime défense. Les atteintes à la vie justifient désormais d'autres atteintes à la vie, la préservation de la sécurité ayant pris le pas sur le respect des droits. Dans ce contexte, le Comité a pour devoir de ne pas céder aux tendances régressives, mais au contraire de réaffirmer haut et fort le droit à la vie en tant que droit primordial. S'agissant de la peine de mort, rien n'est acquis malgré le fait que de moins en moins d'États ne s'opposent désormais à l'idée selon laquelle il est nécessaire d'établir un moratoire sur les exécutions.
Autre enjeu important, a noté l'expert, le droit des femmes à disposer de leur corps, en particulier la relation de l'interruption volontaire de grossesse avec le droit à la vie: l'interdiction de l'avortement a pour effet de rendre plus dangereuses pour la vie des femmes les interventions pratiquées dans des conditions à risques. L'expert a relevé enfin que les armes nucléaires constituent une des plus grandes menaces contre le droit à la vie et qu'elles devraient être déclarées hors la loi.
Au terme du débat, M. Rodley a relevé que, s'il tient dûment compte de la jurisprudence et de l'expérience accumulée par le Comité et d'autres instances, le projet n'est cependant pas destiné à rapporter une position figée mais qu'il devra, au contraire, refléter une vision dynamique de la portée du Pacte.
Les membres du Comité ont ensuite entamé l'examen du projet d'observation générale paragraphe par paragraphe.
Une page Web est consacrée aux travaux du Comité sur l'observation générale n° 36.