La lutte contre la drogue est une priorité en Indonésie, où la législation anti-stupéfiants est parmi les plus restrictives du monde et où des dizaines d'étrangers, dont un Français, ont été condamnés à mort. Mais les résultats sont peu probants, observent des experts.
Un autre Français, Michaël Blanc, arrêté en 1999 à Bali en possession de 3,8 kilos de haschisch, devrait pouvoir regagner la France samedi après 14 ans de prison et quatre années supplémentaires d'interdiction de quitter l'archipel d'Asie du Sud-Est.
Il avait échappé de peu à la peine capitale, sanction ultime que risque toute personne interpellée avec cinq grammes ou plus de drogue, héroïne comme cannabis, à partir du moment où le juge considère qu'il s'agit de trafic.
Signe qu'il ne plaisante pas avec ce fléau, le président indonésien, Joko Widodo, avait donné l'ordre l'an passé à la police de tirer systématiquement sur les trafiquants de drogue présumés, y compris étrangers, s'ils résistaient à leur arrestation.
Pas moins de 18 condamnés à mort pour trafic de stupéfiants, en majorité des ressortissants étrangers, ont été exécutés en Indonésie depuis l'arrivée au pouvoir fin 2014 de M. Widodo, qui a déclaré la «guerre à la drogue».
«Toute guerre doit se terminer par une victoire, mais en réalité, nous avons perdu», constate Dhira Narayana, directeur de l'ONG Cercle du cannabis de l'archipel, qui se définit comme un mouvement de sensibilisation aux effets de la drogue.
«Dans certains pays, le cannabis a été légalisé. Il est prouvé que notre approche n'est pas la bonne car le nombre de consommateurs et de trafiquants ne cesse d'augmenter chaque année».
Les produits stupéfiants font un peu plus de 11.000 morts chaque année en Indonésie - soit en moyenne 30 par jour, selon des statistiques de l'agence chargée de la lutte contre la drogue. Le nombre de consommateurs de drogue a nettement augmenté ces dernières années, passant de 0,02% de la population en 2016 à 1,77% l'an passé, soit 4,5 millions d'usagers supplémentaires.
- «Pas d'effet dissuasif» -
De plus, souligne M. Narayana, certains détenus dans des affaires de drogue ont été «torturés et contraints d'avouer. Nous devrions en fait nous pencher sur notre système», dit-il, en référence à la corruption qui mine aussi bien l'administration pénitentiaire que la police et le système judiciaire.
Des défenseurs des droits de l'Homme dénoncent régulièrement les incohérences et approximations du système judiciaire indonésien.
Dans le cas du Français Serge Atlaoui, arrêté en 2005 pour trafic de drogue et condamné à mort deux ans plus tard, le ministre français des Affaires étrangères de l'époque, Laurent Fabius, avait dénoncé de «graves dysfonctionnements de la justice indonésienne» et le «traitement expéditif» de cette affaire comportant «des affirmations erronées».
M. Atlaoui, qui devait initialement être exécuté début 2015 avec huit autres condamnés à mort pour trafic de drogue - deux Australiens, un Brésilien, quatre Africains et un Indonésien - avait été retiré de la liste au dernier moment à la suite d'initiatives diplomatiques. Il est toujours en prison et figure parmi plus de 70 étrangers dans le couloir de la mort pour des affaires de drogue.
Dans le cas de Michaël Blanc, sa mère très active en Indonésie pour obtenir sa libération avait dénoncé une loi qui interdisait en théorie aux étrangers, contrairement aux Indonésiens, d'être libérés après avoir purgé les deux tiers de leur peine. Hélène Le Touzey avait finalement obtenu gain de cause pour son fils sorti de prison en 2014.
De son côté, Daniel Awigra, fondateur de l'ONG Coalition pour l'abolition de la peine de mort en Asie du Sud-Est, estime lui aussi que la répression sans merci appliquée par l'Indonésie «n'a pas d'effet dissuasif» et que la politique du gouvernement est «contre-productive».
Dans une interview à l'AFP début 2017, le président indonésien s'était déclaré ouvert à un moratoire sur la peine de mort si la population y était favorable, se montrant ainsi moins sévère qu'au début de son mandat. Aucun condamné à la peine capitale n'a été exécuté depuis deux ans.