La famille d'Asia Bibi, une Pakistanaise chrétienne dans les couloirs de la mort depuis sa condamnation pour blasphème en 2010, a estimé dans un entretien à l'AFP que celle-ci devra quitter son pays si elle est acquittée par la Cour suprême.
En cas de libération, "Asia ne peut pas rester (au Pakistan) avec la loi" sur le blasphème, a affirmé son mari Ashiq Masih, accueilli à Londres par l'ONG catholique Aide à l'Église en détresse (AED).
"Pour nous, la vie au Pakistan est très difficile, nous ne sortons pas de chez nous, nous sommes très prudents", a souligné sa fille Esham. "Je serai très heureuse le jour où ma mère sera libérée, je la prendrai dans mes bras, je pleurerai de la retrouver".
Paysanne issue d'une famille très pauvre et mère de cinq enfants, Asia Bibi avait été condamnée suite à une dispute avec une musulmane au sujet d'un verre d'eau. Elle clame son innocence et a déposé un ultime recours qui a été examiné lundi par la plus haute instance judiciaire du pays, après plusieurs années de procédure. Son jugement n'a pas encore été rendu.
Au Pakistan, où l'islam est religion d'État, cet examen a provoqué des manifestations dans plusieurs villes, à l'appel du Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un groupe religieux extrémiste devenu parti politique, qui exige son exécution.
"C'était un différend entre deux personnes, il n'y avait ni Qari (clerc religieux), ni personne d'autre lors de la dispute", a réagi Ashiq Masih. "Ont-ils entendu quoi que ce soit d'irrespectueux de la bouche d'Asia Bibi ?", a-t-il interrogé à l'adresse des manifestants.
Les défenseurs des droits de l'Homme voient en Mme Bibi un emblème des dérives de la loi réprimant le blasphème au Pakistan, souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels.
De simples allégations se terminent régulièrement par des lynchages aux mains de la foule ou d'extrémistes. Les chrétiens, minorité persécutée, sont fréquemment visés.
"Nous sommes nés là-bas, nous avons grandi là-bas, le Pakistan est notre pays", a soutenu Ashiq Masih. "Le seul problème que nous avons est la loi sur le blasphème, qui est imposée aux chrétiens", a estimé Ashiq Masih.
Le cas d'Asia Bibi a connu un retentissement international, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. Ce dernier avait rencontré Esham en 2015.
"Il nous a bénis, et a dit: +dites à votre mère que je prie pour elle+", a-t-elle rapporté.