Des milliers d'extrémistes ont défilé vendredi à Lahore, la deuxième ville du Pakistan, avant que la Cour suprême ne se prononce sur le sort d'Asia Bibi, la plus connue des condamnés à mort pour blasphème dans ce pays. Cette manifestation, organisée par le Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un groupe religieux extrémiste devenu parti politique, était la plus massive dans le pays. Plusieurs centaines de protestataires ont également marché à Karachi, la capitale économique, ainsi qu'à Rawalpindi, qui borde Islamabad. Les islamistes du TLP, qui ont menacé les juges de la Cour suprême d'"une fin horrible" s'ils acquittent Asia Bibi, exigent son exécution.
La plus haute instance judiciaire pakistanaise, qui a étudié lundi le recours en appel de la chrétienne, a déclaré différer son jugement à une date inconnue, demandant aux médias de ne faire aucun commentaire sur cette affaire explosive.
Asia Bibi, mère de cinq enfants, avait été condamnée en 2010 à la peine capitale suite à une dispute avec une musulmane au sujet d'un verre d'eau, suscitant l'indignation à l'étranger. Son cas avait eu un retentissement international, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. En 2015, l'une des filles d'Asia Bibi avait rencontré le pape François.
Le blasphème est un sujet extrêmement sensible au Pakistan, où l'islam est religion d'Etat. La loi prévoit jusqu'à la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d'offense à l'islam. De simples allégations se terminent régulièrement par des lynchages aux mains de la foule ou d'extrémistes. Les chrétiens, minorité persécutée, sont fréquemment visés.
L'exécution d'Asia Bibi serait une première au Pakistan, où une quarantaine de personnes seraient dans les couloirs de la mort ou serviraient une peine de prison à perpétuité pour blasphème, selon un rapport de la Commission américaine sur la liberté de religion dans le monde.
Les appels successifs d'Asia Bibi ont tous échoué. Si la Cour suprême refuse de l'acquitter, elle devra s'en remettre à la grâce du président pakistanais, un proche du Premier ministre Imran Khan, qui a déclaré soutenir la loi. Si elle était libérée, sa vie serait en péril du fait des extrémistes.
Vendredi, la Haute cour d'Islamabad a indiqué avoir étudié la demande d'un ancien porte-parole de la Mosquée rouge d'Islamabad, à la réputation sulfureuse, d'interdire à Asia Bibi de quitter le pays. Elle n'a toutefois pas communiqué sa décision.