ISLAMABAD, 31 octobre (Reuters) - La Cour suprême pakistanaise a annulé mercredi la condamnation à mort pour blasphème prononcée en première instance contre la chrétienne Asia Bibi et a ordonné sa libération immédiate, une décision saluée par les défenseurs des droits de l'homme mais qui a provoqué la fureur des islamistes radicaux.
Asia Bibi, mère de quatre enfants, a été en 2010 la première femme à être condamnée à la peine capitale en vertu de la loi très stricte au Pakistan réprimant le blasphème. Elle avait fait appel de cette décision devant la Cour suprême.
Son cas a provoqué l'indignation des chrétiens du monde entier et a semé la division au sein de la société pakistanaise, où deux hommes politiques qui avaient pris position en faveur d'Asia Bibi ont été assassinés.
"La condamnation est annulée. Elle est acquittée de toutes les charges et, sauf si d'autres charges pesant contre elle le requièrent, elle va être relâchée immédiatement", a déclaré le président de la Cour suprême, Saqib Nasir, qui siégeait avec deux autres juges pour cet appel.
Une formation islamiste radicale, Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), a aussitôt organisé des manifestations et bloqué des rues dans les grandes villes du pays, tout en appelant ses partisans à assassiner les juges qui ont annulé la condamnation à mort d'Asia Bibi.
"Le chef TLP, Mohamed Afzal Qadri, a émis une fatwa qui dit que le président de la Cour suprême et tous ceux qui ont ordonné la libération d'Asia méritent la mort", a déclaré le porte-parole du mouvement, Ejaz Ashrafi.
Le TLP a aussi réclamé la démission du gouvernement dirigé par le Premier ministre Imran Khan.
En novembre 2017, le TLP avait organisé le blocus de la capitale Islamabad à la suite d'une légère modification dans un serment religieux, ce qu'il avait interprété comme un cas de blasphème. Sept personnes avaient trouvé la mort et plus de 200 autres avaient été blessées dans des affrontements avec les forces de police, et les partisans du TLP ne s'étaient dispersés qu'après avoir passé un accord avec l'armée.
Le blasphème envers le prophète Mahomet est passible de la peine de mort en vertu du droit pakistanais. Des dizaines de personnes ont été tuées à la suite d'accusations de blasphèmes, certaines lynchées par des foules d'hommes.
(Asif Shahzad et Kay Johnson; Eric Faye, Jean Terzian et Tangi Salaün pour le service français)