Le mari de la Pakistanaise Asia Bibi, acquittée après dix ans de prison pour "blasphème", a critiqué samedi l'accord conclu la veille par le gouvernement avec les islamistes, qui compromet la libération de son épouse. Cet accord, après trois jours de manifestations contre l'acquittement de cette chrétienne initialement condamnée à mort, "n'aurait jamais dû avoir lieu", a estimé Ashiq Masih auprès de la radio allemande Deutsche Welle.
Aux termes de ce texte controversé, le gouvernement d'Islamabad s'est engagé à lancer une procédure visant à interdire à Mme Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer une requête en révision de son acquittement, initiée par un religieux du nom de Qari Salam. "Il est mauvais de créer un précédent consistant à faire pression sur la justice", a dénoncé Ashiq Masih, pour qui "le gouvernement n'aurait jamais dû" céder à la pression des manifestants islamistes.
Pour lui, la Cour suprême pakistanaise s'est montrée "très courageuse" mercredi en acquittant sa femme, une mère de famille illettrée d'une cinquantaine d'années, dont le cauchemar avait commencé en 2009 alors qu'elle travaillait aux champs.
Invoquant des raisons religieuses, deux femmes musulmanes avaient refusé de partager un verre d'eau avec elle et une querelle avait éclaté. Quelques jours plus tard, ces femmes avaient relaté l'affaire à un imam local qui avait accusé la chrétienne d'avoir "insulté" le prophète de l'islam, ce que celle-ci a toujours nié.
"La situation actuelle est très dangereuse pour nous. Nous n'avons aucune protection et nous nous cachons, changeant fréquemment de lieu", a expliqué M. Masih, alors que l'avocat d'Asia Bibi a quitté le Pakistan samedi matin en disant craindre pour sa vie.
Ashiq Masih a demandé au gouvernement de renforcer "la sécurité" de sa femme "en prison", redoutant qu'elle n'y soit attaquée. "Il faut se souvenir que deux chrétiens de Faisalabad ont été tués par balles des années après avoir été libérés par la justice. Eux aussi avaient été accusés de blasphème", a-t-il rappelé.