La Pakistanaise Asia Bibi, libérée de sa prison dans la nuit de mercredi à jeudi suite à son acquittement par la Cour suprême, se trouve désormais dans un "endroit sûr" mais toujours dans le pays.
"Elle est toujours au Pakistan", a indiqué un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Muhammad Faisal, alors que certains médias avaient fait état d'un départ dans la nuit pour l'étranger.
La vie de Mme Bibi est considérée comme en grave danger dans le pays et sa famille avait sollicité ces derniers jours l'aide de plusieurs pays occidentaux pour les accueillir.
Sa libération a d'ores et déjà provoqué la fureur des milieux islamistes radicaux qui appellent de longue date à son exécution et ont annoncé une grande manifestation jeudi à Karachi, la grande ville du sud du Pakistan. D'autres pourraient suivre vendredi.
"#AsiaBibi a quitté la prison et a été transférée dans un endroit sûr ! Je remercie les autorités pakistanaises", a tweeté le président du Parlement européen, Antonio Tajani, ajoutant l'attendre "dès que possible avec son mari et sa famille" à Bruxelles.
Selon plusieurs sources aéroportuaires, Mme Bibi, qui était emprisonnée depuis des années dans la ville de Multan (centre) a été évacuée mercredi soir à bord d'un avion à destination d'Islamabad. "Elle a été libérée. On m'a dit qu'elle était dans un avion mais personne ne sait où elle va atterrir", avait auparavant indiqué à l'AFP Me Saif ul-Mulook dans un message à l'AFP.
L'annonce de la sortie de prison de Mme Bibi a immédiatement suscité la colère du Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un petit parti radical qui avait bloqué trois jours durant les principaux axes du pays la semaine dernière pour protester contre son acquittement, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux.
L'exécutif s'était engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer une requête en révision du jugement d'acquittement, ce qui lui a valu de nombreuses critiques.
Le parti radical va réunir sa direction jeudi pour "analyser toute la situation", a indiqué son porte-parole Pir Ijaz Ashrafi à l'AFP. "Je serai clair: nous avons suspendu les manifestations, nous n'y avons pas mis fin", a-t-il dit.
- Requête d'asile -
Le mari d'Asia Bibi avait réclamé samedi l'asile pour sa famille aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou au Canada, arguant d'un trop grand danger s'ils restaient au Pakistan.
"Je demande au président Donald Trump de nous aider à partir. Après cela, je demande à la Première ministre britannique (Theresa May) de faire de son mieux pour nous aider", a déclaré Ashiq Masih dans un message vidéo. Le mari d'Asia Bibi a également sollicité l'"aide" du Premier ministre canadien Justin Trudeau.
Mercredi, une autre vidéo de M. Masih a été mise en ligne par l'association italienne catholique Aiuto alla chiesa che soffre (Aide à l'Eglise qui souffre), dans laquelle il appelle le gouvernement italien à l'aide pour les faire sortir du Pakistan, où les conditions de vie deviennent selon lui très difficiles.
Après ce message, le Premier ministre italien Matteo Salvini a tweeté qu'il ferait "tout ce qu'il est humainement possible pour garantir un avenir à cette femme".
La France "étudie" de son côté sous quelle forme elle pourrait aider ou accueillir la chrétienne "avec (ses) partenaires européens et internationaux", a déclaré sa secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.
La maire de Paris Anne Hidalgo s'est dite lundi "prête à l'accueillir" avec sa famille dans la capitale française.
- "Plus de confiance" -
L'affaire Asia Bibi divise fortement le Pakistan, pays musulman très conservateur où le blasphème est un sujet extrêmement sensible. Des accusations suffisent à provoquer des lynchages.
Mme Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d'une cinquantaine d'années et mère de famille, avait été condamnée à mort en 2010 pour blasphème à la suite d'une dispute avec des villageoises musulmanes au sujet d'un verre d'eau.
Son cas avait ému la communauté internationale, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. L'une de ses filles a rencontré ce dernier à deux reprises.