Les élections de mi-mandat prévues lundi aux Philippines devraient donner les coudées franches au président Rodrigo Duterte pour, potentiellement, mettre en oeuvre ses promesses de rétablissement de la peine de mort et de réforme de la constitution.
Le chef d'Etat élu en 2016 a été la cible de critiques des capitales occidentales en raison de sa politique violente de lutte contre le trafic de drogue et de tirades parfois ordurières. Mais il conserve une très forte popularité dans l'archipel, en raison notamment de son franc parler, une partie des Philippins continuant de le voir comme un recours crédible face à l'inefficacité prêtée aux élites politiques traditionnelles.
M. Duterte s'est engagé à rétablir la peine capitale pour les crimes liés au trafic de drogue dans le cadre de sa campagne très dure contre les stupéfiants, au cours de laquelle des milliers de trafiquants et de consommateurs présumés ont péri.
Son programme de fermeté sur la criminalité avait joué un rôle crucial dans sa très confortable élection à la présidence en 2016. Il prévoit actuellement un abaissement de la responsabilité pénale de 15 à 12 ans. M. Duterte préconisait même initialement de la faire tomber à neuf ans.
Parmi les 18.000 sièges à pourvoir lundi lors des élections, figure la moitié du Sénat, institution qui a joué un rôle crucial depuis trois ans pour bloquer certaines des initiatives les plus controversées de l'ancien maire de Davao, la grande ville du Sud.
Les "pires instincts" de Duterte
Les sondages laissent cependant entendre que les partisans de M. Duterte ont de fortes chances, lundi, non seulement de conserver la majorité à la chambre des représentants, mais surtout de prendre le contrôle de la chambre haute.
M. Duterte a également promis de réécrire la constitution, ce qui pourrait lui ouvrir un boulevard pour se maintenir au pouvoir après la fin de son mandat en 2022.
Le président philippin est actuellement limité à un mandat unique de six ans. L'ancien avocat de 74 ans a cependant plusieurs fois affirmé qu'il n'était pas intéressé par l'idée de rester plus longtemps à la présidence.
Toute réforme constitutionnelle implique non seulement le feu vert du Congrès, mais aussi une approbation par référendum.
Le rétablissement de la peine de mort et la réforme constitutionnelle ont été sans problème votés par la Chambre des représentants depuis 2016 mais ils se sont heurtés au veto du Sénat.
"Le Sénat a agi comme une chambre de contrôle institutionnel face aux pires instincts du président", observe à l'AFP le politologue Richard Heydarian. Cela pourrait cependant changer avec les élections de mi-mandat.
Le retour des Marcos
Force est de reconnaître que, historiquement, les 24 membres du Sénat philippin, qui sont élus pour six ans, se sont toujours montrés plus indépendants d'esprit que leurs collègues de la chambre basse.
Les élections de lundi pourraient permettre l'entrée au Sénat d'Imee Marcos, la fille de l'ancien dictateur Ferdinand Marcos. Il s'agirait là d'une nouvelle confirmation du remarquable retour des Marcos sur la scène politique, plus de trois décennies après la chute de la dictature.
L'ex-chef de la police nationale, Ronald dela Rosa, qui fut en 2016 chargé de la mise en oeuvre de la "guerre contre la drogue", est également donné gagnant lors des sénatoriales, en dépit des multiples accusations de violations des droits de l'Homme lancées contre les forces de l'ordre qu'il contrôlait.
La peine capitale avait été abolie en 1987 dans l'archipel, avant d'être réinstituée six ans plus tard, et de nouveau abolie en 2006, à l'issue notamment d'une longue campagne de lobbying de l'Eglise catholique, qui compte 80 % de fidèles dans l'archipel.
Les Philippines ont cependant fait un grand pas en 2017 vers le rétablissement du châtiment suprême avec le vote par la Chambre des représentants d'une loi prévoyant cette peine pour ceux qui seraient pris en possession de 500 grammes de marijuana ou 10 grammes de cocaïne, d'héroïne ou d'ecstasy. Mais le texte n'a jamais été validé par le Sénat.