PARIS (Reuters) - L'avocat de trois djihadistes français condamnés à mort en Irak pour appartenance à l'organisation de l'Etat islamique s'est engagé dans une course contre la montre pour tenter d'empêcher leur exécution par pendaison.
“L'idée est de se rendre à Bagdad, de les rencontrer et de préparer la suite ensemble (...) Nous attendons la fin du procès pour pouvoir interjeter appel, que tous soient jugés”, a déclaré jeudi à CNews maître Nabil Boudi, avocat de Léonard Lopez, Bilel el-Kabaoui et Brahim Nejara.
Ils font partie d'un groupe de 12 ressortissants français remis aux autorités irakiennes par les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance arabo-kurde anti-Bachar al Assad, et jugés depuis le début de la semaine en Irak.
Sept ont à ce jour été condamnés à mort. S'y ajoute un 13e homme, un Tunisien, Mohamed al-Bariri, qui avait un visa de séjour en France mais ne bénéficie pas de la protection consulaire fournie par Paris aux seuls ressortissants français.
“On souhaite contester la condamnation à la peine de mort et en Irak l'appel est suspensif. Donc en interjetant appel de la décision, l'exécution sera suspendue”, a déclaré Nabil Boudi à propos de ses trois clients. “L'urgence est absolument de bloquer cette exécution.”
L'Etat français laisse entendre de son côté qu'il s'efforce de parvenir au même résultat par des moyens diplomatiques. Mais il marche de toute évidence sur des oeufs pour ne pas braquer des autorités irakiennes sourcilleuses quant au respect de leur souveraineté.
“Il est clair que, pour nos ressortissants pour lesquels la peine de mort sera prononcée, nous demanderons à ce qu'elle soit commuée en prison à perpétuité”, a ainsi déclaré mardi Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a pour sa part assuré que Paris faisait le nécessaire pour leur éviter la peine capitale, tout en assurant que les condamnés “sont bien connus (des) services” de renseignement pour leur “action terroriste” contre la France.
Pour Me Nabil Boudi, le fait qu'ils aient rejoint Daech, infraction également punie par la loi française, est “incontestable”. Mais “maintenant, il faut établir le degré d'implication de chacun, savoir s'ils ont tous combattu, s'ils ont commis des crimes, s'ils ont commis des exactions”.
“Concernant Léonard Lopez et Bilel el-Kabaoui, ils ont quitté l'organisation dès 2016” pour se rendre aux Kurdes, fait valoir leur avocat, selon qui certains des Français jugés en Irak “n'ont même pas été sur le territoire irakien”.
“La justice irakienne n'est peut-être même pas compétente pour les juger”, a-t-il souligné.
Des associations de victimes du terrorisme ou de familles de Français partis rejoindre Daech en Syrie ou en Irak ont demandé au gouvernement de faire pression sur Bagdad pour que la peine capitale des condamnés soit commuée en prison à vie et qu'ils puissent être entendus par la justice française.
La tâche s'avère cependant diplomatiquement délicate pour le gouvernement français. “Il ne faut pas que les Irakiens prennent mal une intervention de la France et exécutent en 48 heures les condamnés pour s'en débarrasser”, souligne-t-on de source proche des autorités françaises.
Des voix continuent également de s'élever pour reprocher au gouvernement d'avoir permis, sinon organisé, le transfert en Irak de ces prisonniers initialement détenus en Syrie.
Mais l'autre alternative était soit de les laisser tomber aux mains du régime de Bachar al-Assad, soit de prendre le risque qu'ils soient purement et simplement exécutés sur place, fait valoir la même une source.
(Emmanuel Jarry, avec Ahmed Rasheed à Bagdad)