VILNIUS (AFP) - Les pays du Conseil de l'Europe se sont alliés vendredi à Vilnius pour bannir la peine de mort, même en temps de guerre, pressant les Etats-Unis et le Japon de mettre fin à "ce châtiment barbare".
Trente-six pays de l'organisation paneuropéenne, qui en compte 44, ont paraphé le nouveau protocole 13, un chiffre record pour l'ouverture d'un nouveau texte à la signature des Etats, et trois l'ont également ratifié, l'Irlande, Malte et la Suisse.
Pour la France, qui a signé ce texte à deux jours du second tour de l'élection présidentielle briguée par un candidat d'extrême droite partisan du rétablissement de la peine de mort, cette signature constitue "un signal fort". "Dans le contexte international actuel, face aux forces de régression, d'obscurantisme et de fermeture qui se manifestent trop souvent dans le monde, cette signature s'inscrit dans la continuité de la politique de notre pays, pays des droits de l'Homme", a déclaré le nouvel ambassadeur français auprès du Conseil de l'Europe, Gilles Chouraqui.
Selon le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Walter Schwimmer, la signature de ce protocole "montre un engagement très fort des pays membres" pour l'abolition de la peine de mort, car "il existe toujours un risque, dans certains pays d'Europe, que des gens se laissent séduire par des arguments en faveur de la peine capitale". "C'est aussi un message politique fort à nos amis extra-européens", a-t-il dit en citant les Etats-Unis et le Japon, deux pays qui ont le statut d'observateurs auprès de l'organisation et chez qui la peine capitale est en vigueur.
"Le Conseil de l'Europe était déjà fier d'avoir banni la peine de mort en temps de paix de tout un continent sur lequel vivent plus de 800 millions de personnes", a déclaré M. Schwimmer. "Avec le protocole 13, il fait une nouvelle fois oeuvre de pionnier en abolissant ce châtiment barbare en toutes circonstances", a-t-il souligné. Les grands pays de l'Union européenne et de nombreux pays de l'Est, comme l'Ukraine et la Géorgie, ont signé le protocole, ainsi la Bosnie-Herzégovine, qui vient tout juste d'adhérer à l'organisation, fin mars.
Mais ni la Turquie, seul pays membre du Conseil de l'Europe à n'avoir pas aboli la peine de mort de sa constitution, ni l'Arménie ni la Russie ne figurent parmi les signataires du protocole 13. Pour l'ambassadeur arménien auprès du Conseil de l'Europe, Christian Ter Stepanian, le parlement arménien devrait adopter dans quelques mois un projet de loi sur l'abolition de la peine de mort qui permettra ultérieurement à son pays de ratifier les textes européens. La dernière exécution dans ce pays remonte à 1991.
La Turquie a adopté récemment un amendement à sa législation qui limite la peine capitale aux cas de terrorisme et de trahison de l'Etat. Elle est donc incapable actuellement de ratifier les protocoles européens, mais dans les faits, aucune exécution capitale n'a eu lieu depuis 1983, a souligné l'ambassadeur Numan Hazar.
Le protocole 13 interdit totalement la peine de mort, en n'admettant aucune réserve ni dérogation, même en période de conflit armé ou de danger de guerre. Il renforce l'impossibilité pour les Etats membres d'extrader une personne vers un pays qui pratique la peine de mort. Il entrera en vigueur trois mois après que dix Etats membres l'auront ratifié.
Les 44 pays du Conseil de l'Europe constituent dans les faits une zone sans peine de mort depuis 1997, date de la dernière exécution (en Ukraine).