Le procès en appel de 24 hommes poursuivis après la décapitation de deux jeunes touristes scandinaves au nom du groupe Etat islamique (EI), s'est ouvert mercredi au Maroc, avant d'être renvoyé au 11 septembre après une brève audience.
C'est face à des accusés impassibles que la Cour d'appel de Salé (près de Rabat), spécialisée dans les affaires terroristes, a consacré les premiers débats à des questions de procédure.
Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, ont été sauvagement tuées fin 2018 alors qu'elles bivouaquaient au pied du mont Toubkal, le plus haut sommet d'Afrique du Nord, dans le Haut-Atlas, à 80 kilomètres de la capitale touristique Marrakech (centre).
Les trois principaux prévenus sont passés aux aveux et ont été condamnés le 18 juillet dernier à la peine capitale --théorique au Maroc du fait d'un moratoire en vigueur depuis 1993. Des peines allant de cinq ans de prison à la perpétuité ont été prononcées contre leurs co-prévenus pour "constitution de bande en vue de commettre des actes terroristes".
Tandis que les accusés "espèrent un verdict plus clément", les famille de Louisa et Maren qui se sont portées partie civile, souhaitent une confirmation des condamnations, selon les avocats joints par l'AFP.
Abdessamad Ejjoud, un marchand ambulant de 25 ans, a avoué avoir organisé l'expédition meurtrière et avoir décapité une des victimes avec Younes Ouaziyad, un menuisier de 27 ans.
Ce dernier a reconnu avoir tué l'autre jeune fille, tandis que Rachid Afatti, 33 ans, filmait la scène. Environ quinze jours avant l'assassinat, le trio avait tourné une vidéo d'allégeance à l'EI avec un quatrième homme, Abderrahim Khayali, 33 ans.
- "Frères" -
Les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux, comme celles de la décapitation. L'EI n'a jamais revendiqué l'assassinat.
"Il n'y a de Dieu que Dieu (...) Qu'il me pardonne", avait lancé Abdessamad Ejjoud, dans sa dernière déclaration lors du procès en première instance.
Ce repris de justice devenu imam avait formé un groupe après sa sortie de prison en 2015, réunissant autour de lui d'anciens compagnons de détention ainsi que des "frères" de milieu modeste, de niveau d'instruction très bas et vivant de petits boulots dans des quartiers déshérités de Marrakech.
Cet homme a suivi, comme d'autres accusés, des enseignements religieux d'une école coranique de Marrakech supervisée par un prédicateur salafiste connu.
La plupart de ses compagnons ont démenti toute implication dans le double assassinat et toute visée jihadiste. Parmi eux, Kevin Zoller Guervos, un Hispano-Suisse de 25 ans installé au Maroc après sa conversion à l'islam. Seul étranger du groupe, il a été condamné à 20 ans de prison.
Le procès en première instance n'a pas vraiment permis de savoir comment les activités du groupe avaient échappé pendant plusieurs années au radar des autorités, dans un pays qui met volontiers en avant l'encadrement étroit du champ religieux et l'efficacité des services de sécurité.
- "Haine et terreur" -
Pour la partie civile, "les véritables criminels sont ceux qui propagent les idées de haine et de terreur", à commencer par le prédicateur salafiste de Marrakech, a déclaré à l'AFP Me Khaled El Fataoui. Cet avocat, représentant la famille de Louisa, a dit espérer obtenir en appel que le prédicateur soit obligé de s'expliquer devant la justice.
Il espère aussi que soit reconnue en appel la responsabilité morale de l'Etat "qui doit garantir l'indemnisation des victimes". Sa demande portant sur une indemnisation de 10 millions de dirhams (930.000 euros) imputable à l'Etat a été rejetée en première instance.
Les juges ont en revanche condamné les principaux suspects à verser deux millions de dirhams (190.000 euros) de dommages aux parents de Maren. Ces derniers espèrent obtenir en appel une condamnation solidaire des 24 prévenus à hauteur de cinq millions de dirhams (environ 470.000 euros), selon leur avocat Azzedine Kabbaj.
Avant le double assassinat, le royaume avait été meurtri par des attaques ayant fait 33 morts à Casablanca (ouest) en 2003 et 17 morts à Marrakech en 2011.