Aux Etats-Unis, les condamnés à mort sont neuf fois plus souvent innocentés que n'importe quel autre prisonnier reconnu coupable de meurtre, révèle un rapport universitaire rendu public lundi.
"La chose la plus importante que nous sachions sur les erreurs judiciaires est qu'elles surviennent de manière régulière mais (...) la plupart d'entre elles ne sont jamais découvertes", souligne cette étude signée des professeurs de droit Samuel Gross et Michael Shaffer de l'Université du Michigan.
Au terme de trois années de recherches, les deux experts, aidés de leurs étudiants, en collaboration avec Rob Warden, directeur du Centre sur les erreurs judiciaires (Center of wrongful exonerations), ont dénombré 2.000 condamnés innocentés de 1989 à 2012.
Ils ont ainsi pu dresser le profil de 885 cas sur un registre national, qui évolue sans cesse et avait atteint les 891 noms lundi sur le site internet qui les répertorie (exonerationregistry.org).
Un quart des prisonniers innocentés de meurtre avaient écopé de la peine capitale (101 sur 409 cas), alors que les condamnations à mort ne constituent "qu'une petite fraction" des peines prononcées pour meurtre.
Et près de la moitié de tous les cas de condamnés pour meurtre ou viol innocentés étaient sur le point d'être exécutés ou de rester en prison pour le restant de leurs jours (341/721). Dix l'ont été après leur mort.
Pourquoi une telle disproportion des lourdes peines? "La plupart des innocents condamnés à des peines légères ne se donnent probablement jamais la peine de blanchir leurs noms, ils purgent leur peine et font ensuite ce qu'ils peuvent pour mettre leur passé derrière eux", souligne le rapport. Ce qui explique aussi pourquoi le nombre d'erreurs judiciaires est bien supérieur aux Etats-Unis où les infractions sont plus lourdement punies qu'en Europe, observe le Pr Gross.
En outre, "les condamnés à mort ont neuf fois plus de chances de finir par être innocentées que n'importe quel condamné pour homicide", souligne l'étude intitulée "Exonerations in the United States, 1989-2012".
"Cela signifie soit que les condamnés à mort ont neuf fois plus de chances d'être innocents (...), ce qui serait choquant, soit que 90% des innocents dans des affaires de meurtre ne sont jamais exonérés", explique à l'AFP le Pr Gross.
Pour l'auteur du rapport, "il n'y a aucun doute": dans les dossiers de peine capitale, "on passe beaucoup plus de temps à revoir l'affaire après la condamnation jusqu'à l'exécution".
"Nous connaissons certaines personnes qui n'auraient jamais été innocentées si elles avaient été condamnées à perpétuité", dit-il.
Et de citer le cas de Walter McMillian, un Noir condamné à mort en Alabama pour le meurtre d'une jeune Blanche sur la base de fausses déclarations. S'il avait été condamné à la prison à vie, "il y serait encore", estime le Pr Gross, cela montre combien les erreurs judiciaires mises au jour constituent une faible proportion.
"C'est comme en archéologie, on trouve ce que l'on trouve et il y a tant de choses que l'on ne sait pas", commente l'analyste. "On ne voit que la partie émergée de l'iceberg", explique-t-il.
Mais les experts ont réussi à montrer que "sans surprise, les condamnés noirs sont largement surreprésentés parmi les personnes innocentées". Ils comptent pour plus de la moitié des exonérations pour tous les crimes et délits mais atteignent les 63% pour les agressions sexuelles alors qu'ils ne représentent que 25% de la population carcérale dans ce cas.
La principale raison est les erreurs ou les mensonges des témoins oculaires. Et le rapport d'appeler à rester "ouvert sur la possibilité d'erreurs même après la condamnation". Car "derrière chaque histoire, il y a presque toujours une tragédie".