(Kinshasa) Deux lanceurs d'alerte ont été condamnés à mort en République démocratique du Congo pour avoir dénoncé une banque qui, en retour, les accuse de vols de documents. Ce jugement a provoqué l'indignation d'organisations anti-corruption.
Dans un communiqué, la Plateforme de Protection des Lanceurs d'Alerte en Afrique (PPLAAF) a dénoncé « la condamnation à mort par contumace en RDC » de deux activistes qu'elle protège « au cours d'une parodie de procès ». Les deux accusés n'étaient pas présents à leur procès ni au prononcé de la sentence.
Il existe un moratoire sur l'application de la peine capitale en RDC depuis 2003.
En juillet, la PPLAAF et l'ONG anti-corruption Global Witness avaient révélé qu'un milliardaire israélien à la tête d'actifs miniers au Congo, Dan Gertler, « semble avoir utilisé un réseau de blanchiment d'argent, s'étendant de la RDC jusqu'à l'Europe et Israël, pour échapper aux sanctions américaines contre lui ».
Les deux ONG avançaient que Gertler, proche de l'ancien président Kabila, avait « ouvert des comptes bancaires dans les succursales congolaises d'Afriland First Bank, basée au Cameroun ».
Immédiatement Afriland First Bank avait porté plainte auprès du parquet de Paris (siège du PPLAAF) pour « vol de documents, violation du secret bancaire, faux et usage de faux, dénonciation calomnieuse, le tout en bande organisée ».
« On ne peut pas prétendre lutter contre la corruption en recourant à la corruption », a commenté l'avocat français de la banque, Me Eric Moutet, lors d'une conférence de presse fin février à Kinshasa.
A cette date, deux anciens salariés d'Afriland First Bank, Gradi Koko Lobanga et Navy Malela, ont révélé qu'ils étaient à l'origine de l'alerte, d'après le communiqué du PPLAAF.
« Il est scandaleux que deux individus, œuvrant avec courage pour l'intérêt commun, aient été condamnés à mort, sans avoir eu même l'opportunité d'être entendus ou défendus », ont dénoncé dans un communiqué 14 organisations réunies au sein du réseau « Le Congo n'est pas à vendre ».
Placé sous sanctions américaines en 2017, M. Gertler était accusé d'avoir fait perdre à la RDC « 1,36 milliard de dollars de recettes » fiscales dans les années 2010, en sous-estimant les valeurs des actifs miniers et pétroliers acquis par la fraude, sous la présidence de Joseph Kabila, dont il était un proche.
En décembre 2020, lors de derniers jours au pouvoir de l'administration Trump, le département du Trésor américain a délivré une licence autorisant M. Gertler à refaire des affaires aux États-Unis et avec des banques américaines.