De l'abolition de la peine de mort à la culture ou l'Europe, François Mitterrand a laissé une empreinte durable sur l'histoire récente de la France, mais ses réformes socio-économiques n'ont pu endiguer la montée du chômage, qui doublera entre le début et la fin de ses deux mandats.
Quand il arrive au pouvoir le 10 mai 1981, Mitterrand a la ferme intention d'honorer ses 110 propositions de campagne, même s'il sait que la confrontation avec le réel l'obligera parfois à bifurquer, comme ce fut le cas en 1983, lors du "tournant de la rigueur".
Le nouveau président charge immédiatement son ministre de la Justice, l'avocat Robert Badinter, de présenter une loi abolissant la peine de mort. Les Français sont majoritairement pour son maintien, mais le chef de l'Etat tient bon.
Le 30 septembre 1981, la loi est votée. "On ne se rend pas compte de ce qu'était la justice française, une justice répressive", affirme à l'AFP Me Badinter, dont la loi actait aussi la disparition de la Cour de sûreté de l'Etat, de la loi anticasseurs ou des tribunaux militaires. Près de 40 députés de droite votent pour l'abolition, dont Jacques Chirac, Michel Barnier et François Fillon.
D'autres "avancées en termes de liberté n'ont jamais été remises en cause" et ont "accéléré la modernisation de la France", souligne l'ex-président François Hollande: lois sur l'audiovisuel, les radios libres, reconnaissance des droits des homosexuels. Les lois de décentralisation votées en 1982 permettent également la "modernisation administrative" du pays.
Sur le plan culturel, notamment architectural et urbanistique, les deux septennats de Mitterrand laisseront un héritage important, parfois lourd à porter pour ses successeurs. Comment faire mieux, ou au moins aussi bien que les grands travaux entrepris sous son égide: Pyramide du Louvre, Bibliothèque nationale de France, Musée d'Orsay, Parc de la Villette, Grande Arche de la Défense, Institut du monde arabe, Opéra Bastille...
La Fête de la musique, instituée par Jack Lang en juin 1982, existe non seulement toujours mais a essaimé un peu partout dans le monde.
- "Vision du passé" -
Côté social et économique, l'affiche est moins rose. "Notre candidat Georges Marchais avait fait 15,35% au premier tour. Ca forçait Mitterrand à mettre en oeuvre des réformes", assure Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, en citant "la 5e semaine de congés payés" et "la retraite à 60 ans".
Dans son bureau au 5e étage du vaste siège du PCF, à Paris, le numéro un communiste fait le compte: "ISF (impôt de solidarité sur la fortune), nationalisation de 40 banques et d'une trentaine d'entreprises. (Saint-Gobain, Péchiney, Rhône-Poulenc...). De tout cela il ne reste rien".
A l'époque, les nationalisations avaient provoqué une scission au sein du gouvernement. Michel Rocard (Plan et Aménagement de territoire), Jacques Delors (Economie) et Badinter étaient contre et défendaient une participation majoritaire de l'Etat.
"Nous les communistes, on les voulait", se souvient Charles Fiterman (Transports), l'un des quatre ministres PCF du gouvernement. "A ma grande surprise, Mitterrand a dit: "j'ai promis aux Français, il faut tenir".
Il a "tenu" jusqu'au "tournant de la rigueur" de 1983, après l'échec de sa politique de relance keynésienne, dans un contexte d'attaque contre le franc.
Mitterrand ne pourra empêcher le chômage de quasiment doubler entre 1980 et 1994 (passant de 5,9% à 10,7%).
En matière de politique étrangère, "il n'a pas véritablement de vision. La chute de l'URSS le surprend, par rapport à l'ex-Yougoslavie en guerre, il reste attaché à une vision du passé", affirme l'historien Michel Winock.
Au Rwanda, la France, menée par un président et son entourage "aveuglés idéologiquement", porte des responsabilités "accablantes" dans le génocide des Tutsi, selon un récent rapport cinglant d'historiens.
"Il y a toutefois une exception: l'Europe", avec l'adoption du principe de la monnaie unique et du Traité de Maastricht. Là, Mitterrand a été "audacieux", affirme M. Winock.