L'Assemblée nationale a voté dans la nuit de jeudi à vendredi une proposition de loi demandant la réhabilitation de plus de 600 soldats "fusillés pour l'exemple", une page sombre de la Première guerre mondiale.
Le texte, qui avait été rejeté en commission de la Défense au Palais Bourbon début janvier, a été adopté dans l'hémicycle par 39 voix contre 26 et 9 abstentions.
Il était proposé en première lecture dans le cadre d'une journée réservée au groupe LFI par le député Bastien Lachaud, et doit maintenant être inscrit au Sénat pour pouvoir poursuivre son parcours législatif.
Les votes favorables sont venus de tous les bancs de droite comme de gauche. Plusieurs députés LREM ont également voté pour, même si la plupart des membres du groupe majoritaire ont voté contre. Le MoDem s'est aussi retrouvé divisé.
"Plus de cent ans après, il faut refermer les blessures mémorielles", a affirmé M. Lachaud, professeur d'histoire de formation, à la tribune.
Le secrétaire d'Etat Adrien Taquet, au nom du gouvernement, a fait valoir les étapes déjà franchies pour une meilleure connaissance historique et un apaisement sur ce dossier.
"Le ministère des Armées s'est engagé depuis longtemps dans une démarche d'histoire et de transparence" sur ce sujet, a-t-il avancé.
Sophie Beaudouin-Hubière (LREM) a mis en garde contre une "lecture politisée et empreinte des idées modernes" sur cette page d'histoire, en pointant que certains fusillés étaient "des multirécidivistes de la désertion".
Mais la séance a aussi été marquée par l'intervention du LR Philippe Gosselin, évoquant des sanglots dans la voix la mémoire de son grand-père, officier de réserve, qui avait assuré "à la lueur d'une bougie, dans une salle de classe" la défense lors de leur jugement expéditif de soldats exécutés en mars 1915. Son témoignage permit leur réhabilitation en 1934.
- "Réhabilitation générale" -
"Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire (...) et dont la condamnation a été exécutée, font l'objet d'une réhabilitation générale et collective, civique et morale", stipule le texte.
"La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d'une justice expéditive, instrument d'une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis", poursuit la proposition de loi, qui demande que les noms des intéressés soient inscrits sur les monuments aux morts et qu'un monument national soit érigé.
François Hollande en 2013 avait reconnu que "certains (soldats) furent condamnés de façon arbitraire et passés par les armes".
Alors président, il s'inscrivait dans la continuité des déclarations de Lionel Jospin, Premier ministre, en 1998, puis de Nicolas Sarkozy, en 2008, qui avaient souhaité chacun à leur manière une réintégration des fusillés dans la mémoire nationale.
Dans les dernières années, les parlementaires n'ont cependant pas adopté diverses propositions de loi, venant de la gauche, et prônant une réhabilitation collective.