Punir les délits sur internet, les manifestations et le financement étranger de certaines activités: le nouveau Code pénal cubain, qui doit être approuvé samedi par le Parlement, vise à "protéger" le système socialiste après les révoltes de juillet 2021.
L'objectif, selon ses propres auteurs? "Protéger le système politique et étatique socialiste face à l'ensemble d'actions et d'activités commises contre l'ordre constitutionnel et visant à créer un climat d'instabilité sociale et d'incapacité à gouverner".
A peine publié sur le site du parquet général en mars, le projet a suscité le rejet chez l'opposition au gouvernement communiste.
"Le nouveau Code pénal est un nouveau tour de vis du régime pour intensifier la répression contre les citoyens", estime René Gomez Manzano, président de Corriente Agramontista, plus ancienne organisation d'avocats dissidents cubains.
Ce texte fait partie d'une série de lois, comme celles de la souveraineté alimentaire, du Code des familles et des données personnelles, destinées à compléter la nouvelle Constitution approuvée en 2019.
Lors d'une séance parlementaire extraordinaire prévue samedi, plusieurs de ces projets seront présentés aux députés, le code pénal devant être approuvé le jour même.
- Discrétion -
"Il est frappant de constater que, contrairement au Code des familles, ce nouveau corpus législatif est élaboré en secret", note M. Gomez, avocat, ex-prisonnier politique et militant dissident de 77 ans.
Le Code des familles, qui inclut la légalisation du mariage homosexuel et de la gestation pour autrui, fait l'objet d'une large campagne de communication officielle et a été débattu en consultation populaire, avant d'être bientôt soumis à référendum.
La discrétion semble plutôt de mise concernant le Code pénal, qui sanctionne 37 nouveaux délits liés aux "télécommunications, technologies de l'information et de la communication": une réponse à l'arrivée de l'internet mobile fin 2018, qui a bouleversé la société civile cubaine.
La législation survient après les manifestations historiques des 11 et 12 juillet 2021, inédites en soixante ans de révolution, qui ont fait un mort et des dizaines de blessés. Plus de 1.300 personnes ont été arrêtées, dont beaucoup ont écopé ensuite de lourdes peines, jusqu'à trente ans de prison.
"Ce n'est pas le Code pénal dont Cuba a besoin", estime le juriste Harold Bertot, professeur de l'Université de La Havane désormais à Madrid pour des recherches. Et "chronologiquement, sa discussion puis son entrée en vigueur coïncident avec un moment de tension politique et sociale à Cuba".
Ce Code "mise sur une plus grande pénalisation des délits, le renforcement des peines", regrette-t-il. "Il est conçu pour avoir un grand impact sur l'activisme politique cubain".
- "Mercenaires" -
Au délit déjà existant de "désordre public", s'ajoute désormais un autre pénalisant les manifestations individuelles ou en groupe. Il punit aussi le financement étranger d'activités "contre la sécurité de l'Etat".
Les médias indépendants ou d'opposition, les militants et groupes dissidents seraient ainsi considérés comme "mercenaires" s'ils recevaient de l'argent d'agences américaines et d'ONG, risquant des peines de quatre à dix ans de prison.
"Dans un pays où les médias privés sont illégaux et les journalistes n'ont pas la possibilité d'obtenir un financement local, interdire le financement étranger est une condamnation à mort pour le journaliste indépendant", estime le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Parmi les délits contre l'ordre public il y aura désormais "la diffusion de fausses nouvelles ou prédictions malveillantes afin de causer la panique, le mécontentement ou la désinformation", indiquent les auteurs du Code.
Pour le juriste Bertot, le texte prévoit aussi "un nombre non négligeable de délits sanctionnés par la peine de mort, même si son caractère exceptionnel est reconnu, et cela va dans le sens contraire aux tendances sur le propre continent américain, avec un appel à l'abolition".
Dans les premières décennies de la révolution, la peine de mort, par fusillement, était utilisée fréquemment. Depuis 2000, il existe toutefois un moratoire de fait, rompu uniquement en avril 2003 avec l'exécution de trois Cubains qui avaient pris en otage un bateau 50 passagers dans la baie de La Havane, afin d'émigrer.