(Paris) La justice a annoncé trois nouvelles condamnations à mort à l'encontre de manifestants en Iran, où six personnes ont été tuées lors du mouvement de protestation contre la mort de Mahsa Amini qui entre mercredi dans son troisième mois.
La nuit de mardi à mercredi a connu des scènes de violence dans plusieurs villes du pays alors que les manifestants marquaient le 3e anniversaire de la répression meurtrière d'un autre mouvement de contestation déclenché en novembre 2019 par la hausse des prix du carburant.
La République islamique est secouée par une vague de manifestations depuis la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans arrêtée pour infraction au code vestimentaire strict qui oblige les femmes à porter le voile islamique en public.
Les autorités qualifient la plupart des manifestants d'« émeutiers », instrumentalisés par des puissances étrangères, et ont mené au moins 1500 arrestations selon une ONG.
La justice a infligé mercredi la peine capitale à trois personnes inculpées pour leur implication dans les manifestations, a affirmé l'agence de l'Autorité judiciaire Mizan Online, portant à un total de cinq le nombre de condamnations à mort depuis dimanche.
Sur les trois personnes condamnées, l'une a foncé sur des policiers avec sa voiture, tuant l'un d'eux, la deuxième a blessé un garde de sécurité avec une arme blanche et la troisième a tenté de bloquer la circulation et « semer la terreur », selon les actes d'accusation.
Malgré la répression, la mobilisation ne faiblit pas dans les rues.
« On se battra ! On mourra ! On récupèrera l'Iran ! », chantent des dizaines de manifestants autour d'un feu dans la nuit à Téhéran, selon une vidéo diffusée mercredi par le média en ligne 1500tasvir.
Dans une autre vidéo largement partagée et vérifiée par l'AFP, des membres des forces de l'ordre semblent tirer depuis le quai d'un métro souterrain sur des personnes sur le quai d'en face, provoquant des cris et des chutes parmi les gens visés.
Au Kurdistan iranien (nord-ouest) d'où est originaire Mahsa Amini, « les forces du gouvernement ont ouvert le feu » sur des manifestants dans plusieurs villes, et trois d'entre eux ont été tués, deux à Sanandaj et une à Kamyarana, a déclaré mardi soir à l'AFP l'ONG de défense des droits Hengaw, basée à Oslo.
Un appel à trois jours de mobilisation entre mardi et jeudi avait été lancé pour commémorer le « Novembre sanglant » de 2019, lorsque des manifestations déclenchées par la hausse des prix du carburant avaient entraîné des violences meurtrières dans de nombreuses villes du pays.
Selon 1500tasvir, des familles des victimes de 2019 « ont été forcées d'annuler des cérémonies à la suite de menaces ou de pressions de la République islamique ».
Les autorités semblent cependant avoir du mal à contenir le mouvement de protestation, lors duquel des femmes enlèvent leur voile, voire le brûlent, défiant les forces de sécurité dans les rues.
L'agence officielle Irna a indiqué que deux Gardiens de la Révolution et un paramilitaire avaient été tués mardi lors de manifestations dans les villes kurdes de Boukan et Kamyaran (nord-ouest) ainsi qu'à Chiraz (sud).
Au moins 342 manifestants ont été tués dans la répression du mouvement, selon un nouveau bilan diffusé mercredi par Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.
Ce chiffre comprend au moins 123 personnes tuées depuis le 30 septembre dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), après des manifestations provoquées par le viol présumé d'une jeune fille par un policier.
Selon IHR, au moins 15 000 personnes ont été arrêtées, un chiffre démenti par Téhéran.
« Les manifestants n'ont pas accès à des avocats lors des interrogatoires, ils sont soumis à de la torture physique et psychologique pour qu'ils fassent de faux aveux, et sont condamnés sur la base de ces aveux par des tribunaux révolutionnaires », a indiqué à l'AFP le directeur de IHR Mahmood Amiry-Moghaddam.
Il a encore dénoncé les condamnations à mort de manifestants, caractéristiques d'un « régime oppressif », et dit craindre « des exécutions de masse ».
À l'étranger, le président français Emmanuel Macron a salué « le courage et la légitimité » de la « révolution des femmes et de la jeunesse iranienne », après la réception de dissidentes le 11 novembre à l'Élysée fustigée par Téhéran.