Le chef des droits de l'homme de l'ONU s'est inquiété, mardi, du déploiement de renforts militaires dans certaines régions iraniennes où les manifestations se sont intensifiées, disant craindre un durcissement de la répression.
« Le nombre croissant de décès dus aux manifestations en Iran, dont ceux de deux enfants ce week-end, et le durcissement de la réponse des forces de sécurité, soulignent la situation critique dans le pays », a déclaré dans un communiqué, Volker Türk, Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, relevant que « l'absence d'obligation de reddition des comptes pour les violations flagrantes des droits humains persiste et contribue aux griefs croissants ».
Depuis le début des manifestations nationales le 16 septembre, les services du Haut-Commissaire Türk ont recensé plus de 300 manifestants tués, dont plus de 40 enfants.
Des manifestants tués dans 25 des 31 provinces iraniennes
« Deux garçons de 16 ans figuraient parmi les six personnes tuées au cours du week-end », a détaillé lors d'une conférence de presse à Genève, Jeremy Laurence, porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme (HCDH).
Des manifestants ont été tués dans 25 des 31 provinces iraniennes, dont plus de 100 au Sistan et au Baloutchistan. Des sources officielles iraniennes ont également indiqué qu'un certain nombre de membres des forces de sécurité ont été tués depuis le début des manifestations.
« Selon ces sources, plus de 40 personnes ont été tuées dans des villes principalement kurdes au cours de la semaine écoulée », a ajouté M. Laurence.
L'Iran est le théâtre d'un mouvement de contestation déclenché le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini, une jeune iranienne de 22 ans arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant aux femmes de porter le voile.
Les premières manifestations avaient éclaté dans des localités kurdes du nord-ouest, en particulier à Saghez, la ville natale de Mahsa Amini, avant de se répandre dans d'autres villes iranienne.
Des milliers de personnes arrêtées et six manifestants condamnés à mort
Sur le terrain, la répression ne faiblit pas. Selon le HCDH, un nombre important de forces de sécurité a également été déployé ces derniers jours dans certaines régions. « Cette nuit, nous avons reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont répondu avec force aux manifestations dans plusieurs villes principalement kurdes, notamment Javanrud et Saqqez », a fait valoir le porte-parole du HCDH.
Par ailleurs, des milliers de personnes ont été arrêtées dans tout le pays pour avoir participé à des manifestations pacifiques. Au moins six personnes liées à ces manifestations ont été condamnées à mort. Ces manifestants ont été jugés coupables de « faire la guerre à Dieu » (« moharebeh ») et de « corruption sur terre » (« efsad-e fel-arz »), « pour avoir prétendument endommagé des biens publics ».
Le Bureau des droits de l'homme de l'ONU appelle donc les autorités iraniennes à imposer immédiatement un moratoire sur la peine de mort et à annuler les condamnations à mort prononcées pour des crimes qui ne sont pas qualifiés de crimes les plus graves au regard du droit international.
Des artistes et des sportifs convoqués ou arrêtés
« Le refus apparent des autorités de remettre les corps des personnes tuées à leurs familles est particulièrement préoccupant, de même que le fait qu'elles subordonnent la remise des corps à la condition que les familles ne parlent pas aux médias ou acceptent de donner une fausse version de la cause du décès », ont fait remarquer les services du Haut-Commissaire Türk.
C'est dans ce contexte qu'un nombre croissant de personnes, dont des célébrités et des sportifs iraniens qui ont exprimé leur soutien aux manifestations, ont été convoquées ou arrêtées. « Nous rappelons aux autorités iraniennes qu'en vertu du droit international relatif aux droits humains, elles ont l'obligation de respecter et de garantir les droits à la réunion pacifique et à la liberté d'expression », a dit le porte-parole du HCDH.
Le Haut-Commissariat demande instamment à Téhéran de répondre aux demandes d'égalité, de dignité et de droits de la population, au lieu d'utiliser « une force inutile ou disproportionnée pour réprimer les manifestations ». Les services du Haut-Commissaire Türk invitent les autorités iraniennes à libérer tous les manifestants, et à abandonner les charges retenues contre eux.
Session spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur l'Iran le 24 novembre
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies va tenir une session d'urgence le jeudi 24 novembre à Genève sur la situation en Iran. Cette session spéciale sur « la détérioration de la situation des droits de l'homme » en Iran a été officialisée après qu'une demande de l'Allemagne et de l'Islande a reçu le soutien de plus du tiers requis des 47 membres du Conseil.
La demande de l'Allemagne et de l'Islande est soutenue par un total provisoire de 44 pays membres de l'ONU. Parmi les 17 Etats membres du Conseil, il y a les pays occidentaux, mais aussi l'Argentine, le Japon, les Îles Marshall, le Mexique ou la République de Corée. La requête a également été soutenue par les 27 États observateurs dont la Colombie et le Costa Rica.