La justice américaine a réclamé lundi la peine de mort contre l'Ouzbek Sayfullo Saipov, qui avait tué huit personnes à New York en 2017 au nom du groupe Etat islamique, une première pour un procès fédéral sous le mandat de Joe Biden qui avait pourtant défendu son abolition à l'échelon national.
Devant un jury du tribunal fédéral de Manhattan, la procureure du gouvernement Amanda Houle a affirmé qu'elle "demander(ait) "d'imposer une condamnation à mort, non pas parce que c'est facile, mais parce que c'est la peine adéquate dans cette affaire".
"La peine juste", a-t-elle martelé.
"Sayfullo Saipov a perpétré un attentat terroriste cruel dans cette ville, pour le compte de l'EI; il a tué huit personnes, il a essayé d'en tuer beaucoup d'autres, il est fier de ce qu'il a fait", a tonné la représente du ministère public américain.
- "Terroriste" -
Le 26 janvier, cet Ouzbek de 35 ans avait déjà été déclaré coupable de meurtres aggravés et de "soutien à un groupe terroriste" par le jury de cette même cour fédérale.
Il s'agit donc d'un second procès avec les mêmes 12 jurés qui doivent décider, à l'unanimité, du sort de M. Saipov, présent dans la salle d'audience, assis entre ses avocats, veste sombre sur chemise blanche, longue barbe noire et cheveux noirs. Sur les bancs, des familles des victimes ou des survivants de l'attaque du 31 octobre 2017 ont également pris place lundi.
Ce jour de la fête de Halloween de 2017, Sayfullo Saipov avait foncé à bord d'un pick-up sur des passants sur une piste cyclable des bords du fleuve Hudson à Manhattan. Une chevauchée meurtrière qui avait fait huit morts, dont cinq Argentins et une Belge, et de nombreux blessés.
La procureure Houle a rappelé que M. Saipov, qui avait prêté allégeance à l'EI, n'a jamais exprimé de remords, qu'"il n'a pas abandonné le jihad (...) demeure engagé avec l'EI" et représente "toujours un danger", même en prison.
- "Spirale de la mort" -
La défense de son côté a demandé au jury de "stopper la spirale de la mort".
A l'automne 2017, le président républicain de l'époque Donald Trump (2017-2021) avait immédiatement réclamé la peine de mort, une position adoptée par son ministère de la Justice et maintenue par l'actuel gouvernement démocrate de Joe Biden. En contradiction, aux yeux des organisations de défense des droits humains, avec l'engagement du candidat Biden en 2020 d'abolir la peine de mort au niveau fédéral.
Un moratoire sur les exécutions fédérales a toutefois été imposé en juillet 2021 par le ministre de la Justice de Joe Biden, Merrick Garland.
Celles-ci étaient de toute façon très rares, les exécutions -- six en 2023 -- étant le plus souvent appliquées par les Etats qui n'ont pas encore aboli la peine de mort. Donald Trump avait fait exception à cette règle en ordonnant 13 exécutions, un record, à la fin de son mandat.
Les militants pour l'abolition de la peine capitale reprochent à Joe Biden de ne pas avoir commué en prison à vie les peines des 44 condamnés qui attendent dans les couloirs de la mort fédéraux, en pointant le risque qu'ils soient exécutés sous le mandat d'un autre président.
Un avocat de M. Saipov, David Patton, avait affirmé fin janvier que son client était "le seul accusé fédéral de tout le pays contre lequel le ministère de la Justice demandait la peine de mort au procès", au contraire de cas où le meurtrier a fait plus de victimes, comme une tuerie anti-hispanique à El Paso en 2017 (23 morts).
Une décision "arbitraire" et "inconstitutionnelle", fondée sur la "religion et (l')origine nationale" de cet Ouzbek arrivé aux Etats-Unis en 2010, selon cet avocat.
Des observateurs y voient une exception liée à la qualification terroriste de l'affaire retenue par la justice, à l'instar du dossier de l'attentat à la bombe du marathon de Boston en avril 2013. Dans cette affaire, le ministère de la Justice n'a pas fait barrage à une requête de l'administration Trump devant la Cour suprême visant à rétablir la peine de mort contre l'un des auteurs, Djokhar Tsarnaev.
S'il était condamné à mort, Sayfullo Saipov pourrait faire appel et ne pourrait de toute façon pas être exécuté en vertu du moratoire du ministre Garland.
La dernière exécution à l'échelon fédéral, décidée par le tribunal de Manhattan, remonte à 1954.