Alors que les autorités bélarusses ont intensifié leur « répression massive » à l'encontre des membres de la société civile, des médias et de l'opposition politique, des milliers de personnes ont été contraintes à l'exil dans les pays voisins, a indiqué le Bureau des droits de l'homme de l'ONU (HCDH).
Au moins 100.000 personnes ont quitté leur pays depuis mai 2020, en raison de la peur et de la répression. Cette fuite intervient dans un contexte de répression et de pression judiciaire à l'encontre des voix dissidentes.
Selon un décompte effectué le 21 mars 2023 par les services du Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Volker Türk, pas moins de 1.459 personnes étaient détenues arbitrairement pour « des accusations motivées par des considérations politiques ».
« En février 2023, au moins 2.416 personnes avaient été condamnées pour extrémisme, notamment pour atteinte grave à l'ordre public, insulte au Président et incitation à la discorde sociale », a déclaré Nada Al- Nashif, la Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme.
Devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, elle a décrit un climat de terreur qui n'épargne pas la presse. « La plupart des médias indépendants ont été déclarés "extrémistes" par les autorités, de même que, récemment, l'Association bélarusse des journalistes (BAJ) », a ajouté Mme Al-Nashif.
Selon un bilan établi en février 2023, le nombre d'ONG dissoutes a atteint 797 et 432 organisations ont fermé leurs portes pour éviter des poursuites pénales. C'est dans ce contexte qu'en décembre 2022, la Commission d'experts de l'Organisation internationale du Travail (OIT) pour l'application des conventions et recommandations a appelé Minsk à abandonner sa politique visant à détruire le mouvement syndical indépendant et à réduire au silence les voix libres des travailleurs.
Un arsenal législatif répressif ouvrant la porte à l'apatridie
Plus largement, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH) a indiqué avoir documenté « une persistance de pratiques généralisées et systématiques de torture et de mauvais traitements à l'encontre d'individus en raison de leur opposition réelle ou apparente au gouvernement ».
« Certaines des violations des droits de l'homme documentées peuvent en outre constituer des crimes contre l'humanité, compte tenu de leur caractère intentionnellement dirigé, généralisé et systématique contre la population civile définie par son opposition réelle ou apparente au gouvernement et à sa prétention à la légitimité électorale », a confirmé la cheffe adjointe aux droits de l'homme de l'ONU.
Comme pour aggraver les choses, Minsk a accentué son arsenal répressif. Selon l'ONU, de récents amendements législatifs permettent ainsi de mettre fin à la citoyenneté d'une personne condamnée pour « participation à des activités extrémistes ou portant gravement atteinte aux intérêts de la République du Bélarus », ce qui inclut l'appel à des sanctions, l'insulte au Président, la participation à des émeutes de masse ou l'endommagement de biens publics.
Pour le HCDH, la notion d'«extrémisme» est définie de manière trop large dans la législation nationale, alors qu'il apparaît que de nombreuses affaires pénales ont été ouvertes en 2022 par le bureau du procureur général sur la base d'allégations d'« extrémisme ». « Ces amendements, qui autorisent largement une répression abusive et ouvrent la porte à l'apatridie, devraient être abrogés », a regretté Mme Al-Nashif.
Minsk évoque un rapport « biaisé »
En outre, en juillet 2022, le code de procédure pénale a été modifié afin d'autoriser les procès par contumace, ce qui permet de cibler les militants politiques à l'étranger. « Le champ d'application de la peine de mort a également été élargi en 2022, afin d'inclure les actes de terrorisme au sens large, c'est-à-dire des actes qui ne sont pas considérés, selon les normes internationales, comme des crimes très graves », a-t-elle ajouté, relevant qu'un projet de loi signé le 9 mars 2023, étend encore davantage la peine de mort à la « trahison contre l'État ».
Le rapport exhorte donc le gouvernement du Bélarus à libérer immédiatement tous les prisonniers condamnés pour des motifs politiques, ainsi que les autres personnes détenues arbitrairement. Il s'agit finalement de mettre fin à toutes les autres violations des droits de l'homme en cours, y compris la répression systématique de la société civile, des médias indépendants, des groupes d'opposition et des syndicalistes.
Face à ce sombre décrit par les services du Haut-Commissaire Türk, le représentant de Minsk note que son pays « vit et se développe en dépit de la pression et de l'hystérie exercées par un certain nombre de pays occidentaux et par la soi-disant [expertise du HCDH] qui, depuis des années, produit des rapports biaisés sur mon pays, dont l'un est présenté aujourd'hui ».
Minsk indique maintenir sa stabilité malgré les sanctions imposées par un certain nombre de pays occidentaux et « les provocations régulières visant à déstabiliser la situation et à entraîner le Bélarus dans un conflit armé ».