En soutien constant de l'Ukraine depuis que la Russie l'a envahie en février 2022, l'Occident se distingue par la "mollesse" de ses réactions face à d'autres violations majeures de droits humains, observe Amnesty international mardi, dénonçant ce "deux poids, deux mesures".
L'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 a "dévoilé au grand jour l'hypocrisie des États occidentaux, qui ont réagi avec force à l'agression russe mais ont fermé les yeux sur de graves violations commises ailleurs, voire en ont été complices", déplore l'ONG dans son rapport annuel.
Et Amnesty d'épingler le "silence assourdissant" entourant l'Arabie saoudite - où selon l'ONG la justice a notamment prononcé la peine de mort lors de procès "à l'iniquité flagrante" et des manifestants pacifiques ont été "condamnés à de longues peines de prison" - ou l'Egypte, où des milliers d'opposants au régime "demeurent détenus arbitrairement et/ou poursuivis injustement".
"La réponse à ce qui s'est passé à l'agression russe contre le peuple ukrainien, c'est une réponse formidable. C'est une réponse qui devrait être un modèle pour les autres crises présentes et futures", a réagi Agnès Callamard, la secrétaire générale d'Amnesty, interrogée par l'AFP.
Mais "en négligeant les autres crises, on amoindrit la valeur de ce qui a été fait en Ukraine", a-t-elle poursuivi, son organisation se désolant que l'Occident ait "toléré" des "actes d'agression similaires dans d'autres pays", "uniquement parce que ses intérêts sont en jeu".
En Israël, les gouvernements l'an passé ont ainsi "déployé des mesures contraignant toujours plus de Palestiniens à partir de chez eux, développant des colonies illégales et légalisant les implantations" en Cisjordanie occupée, mais nombre de gouvernements occidentaux "ont préféré s'en prendre à ceux qui dénonçaient l'apartheid", regrette Amnesty.
En Ethiopie, l'ONG critique "les réponses pitoyables" face à "l'un des conflits les plus meurtriers de l'histoire récente", qui aurait fait 500.000 morts, selon les Etats-Unis.
- Portes fermées -
Signaux contradictoires toujours, les portes de l'Union européenne, "grandes ouvertes pour accueillir les réfugiés ukrainiens", sont restées "fermées" pour les personnes fuyant l'Afghanistan ou la Syrie, a regretté Amnesty.
Les Etats-Unis, qui ont accueilli des dizaines de milliers d'Ukrainiens, ont entre septembre 2021 et mai 2022 "expulsé plus de 25.000 Haïtiens, souvent après les avoir placés en détention et soumis nombre d'entre eux à la torture", s'est indignée Agnès Callamard.
L'approche "sélective et intéressée" des droits fondamentaux par l'Occident a également conforté dans leurs agissements d'autres pays critiqués pour leur violations des droits de l'Homme, notamment la Chine, où la "répression systématique des minorités ethniques du Xinjiang et du Tibet s'est poursuivie", et le "gouvernement de Hong Kong a continué de réprimer le mouvement de lutte pour la démocratie", d'après l'ONG.
La guerre en Ukraine a enfin détourné "non seulement des ressources, mais également l'attention de la crise climatique", alors que les catastrophes liées au réchauffement paraissent "hors de contrôle" et que les dirigeants mondiaux ont échoué à s'accorder sur les mesures visant à limiter la hausse des températures sous le seuil des 1,5°C.
L'année 2022 a globalement connu une "détérioration des droits civils et politiques", ceux-ci subissant une "répression" dans certains pays occidentaux comme la France, où Agnès Callamard pointe "un exercice illégal de la force" par policiers et gendarmes contre des manifestants.
Les droits des femmes ont, eux, vécu "un tournant pour le pire". Notamment en Iran, où certaines ont été tuées "pour avoir dansé, chanté, pour ne pas avoir porté de voile", en Afghanistan, où elles ont été "transformées en objet" depuis la prise de pouvoir des talibans, et même aux Etats-Unis, où l'accès à l'avortement est à présent pour beaucoup remis en question, constate l'ONG.