Un an après le début des manifestations à l'échelle nationale en Iran à la suite du décès en détention de Jina Mahsa Amini, le harcèlement des femmes et des filles par l'État est en augmentation, a dénoncé jeudi la Mission internationale indépendante d'établissement des faits sur la République islamique d'Iran.
Les autorités exacerbent les mesures punitives contre ceux qui exercent leurs droits fondamentaux, notamment la liberté de religion, la liberté d'expression et la liberté de réunion pacifique, a ajouté la Mission établie en novembre 2022 par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.
Jina Mahsa Amini, âgée de 22 ans, a été arrêtée et forcée de monter dans une camionnette par la « police des mœurs » iranienne à Téhéran le 13 septembre 2022 pour non-respect présumé de la loi iranienne sur le port obligatoire du voile. Elle est décédée en détention le 16 septembre. Sa mort a déclenché une vague de protestations dans tout le pays. Selon les informations reçues, qui font l'objet d'une enquête de la Mission d'établissement des faits, l'État a répondu aux manifestations par une force inutile et disproportionnée, des arrestations et des détentions arbitraires, des procès inéquitables, des exécutions extrajudiciaires et le harcèlement des membres des familles des victimes, qui continue jusqu'à aujourd'hui.
« Jina Mahsa n'aurait jamais dû être arrêtée en premier lieu », a déclaré Sara Hossain, Présidente de la Mission d'établissement des faits.
« Depuis la mort de Jina Mahsa en détention, le gouvernement de la République islamique d'Iran n'a pas réussi à garantir la vérité, la justice et des réparations à sa famille, ni aux familles d'autres victimes, aux femmes, aux filles et à tous les manifestants qui ont été victimes de violations des droits fondamentaux des droits de l'homme », a ajouté Mme Hossain. « Au lieu de cela, la République islamique redouble de répression et de représailles contre ses citoyens et cherche à introduire de nouvelles lois plus draconiennes qui restreignent encore davantage les droits des femmes et des filles ».
Projet de loi
Un projet de loi actuellement examiné devant le Parlement iranien exposerait – s'il était adopté – les femmes et les filles à des risques accrus de violence, de harcèlement et de détention arbitraire. La législation propose une augmentation des amendes et des peines de prison pour les femmes et les filles qui enfreignent les dispositions obligatoires sur le port du voile. Il propose également des sanctions plus sévères, notamment des interdictions de voyager, des confiscations de véhicules, le refus d'accéder à l'éducation et aux services publics, y compris les établissements médicaux, et des sanctions contre les entreprises.
Les autorités iraniennes ont déclaré avoir achevé leur enquête sur le décès de Jina Mahsa Amini, concluant qu'il n'était pas dû à une blessure à la tête ou au corps, mais à des problèmes de santé sous-jacents. Cependant, la mission de l'ONU estime que les enquêtes menées par le gouvernement sont loin de respecter les normes et standards internationaux en matière de droits de l'homme, notamment les exigences d'indépendance et de transparence.
« Nous sommes consternés qu'au cours de l'année écoulée, plusieurs manifestants soient morts en détention à la suite d'informations faisant état de torture, notamment Javad Rouhi, un jeune manifestant qui aurait été soumis à la torture et serait resté détenu même après l'annulation de sa condamnation à mort », a dit Shaheen Sardar Ali, membre de la Mission.
« Il incombe à l'État de clarifier les circonstances et la ou les causes de la mort de Jina Mahsa en détention ainsi que celle d'autres manifestants, dont Javad Rouhi, en toute transparence et responsabilité », a déclaré Mme Sardar Ali. La Mission d'établissement des faits note qu'en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme, il existe une présomption générale de responsabilité de l'État lorsqu'une personne décède pendant qu'elle est en détention.
Intensification du harcèlement des familles de manifestants
À l'approche du premier anniversaire de la mort de Jina Mahsa Amini, les autorités ont également intensifié le harcèlement et l'intimidation des membres des familles des manifestants, notamment des enfants. Des dizaines de membres de familles, y compris ceux qui pleuraient publiquement et recherchaient la vérité et la justice pour leurs proches tués lors des manifestations, auraient été arrêtés ou convoqués pour être interrogés ces dernières semaines.
Fait extrêmement inquiétant, des informations indiquent que les autorités auraient intimidé et harcelé la famille de Jina Mahsa Amini, notamment Ahmjad Amini, son père, pour empêcher la famille de pleurer sa mort. L'oncle de Jina Mahsa Amini, Safa Aeli, a été arrêté le 5 septembre 2023 par les forces de sécurité à Saqqez, et on ne sait toujours pas ce qu'il est advenu de lui ni où il se trouve. Entre-temps, la tombe de Jina Mahsa Amini a été endommagée à au moins deux reprises, selon les médias.
Par ailleurs, selon des sources officielles, l'avocat de la famille de Jina Mahsa Amini, Saleh Nikbakht, a été convoqué pour un interrogatoire et est actuellement jugé pour « activité de propagande ». Deux journalistes qui ont couvert son cas, Niloofar Hamedi et Elahe Mohammedi, sont toujours détenus et sont jugés pour « collaboration avec un gouvernement hostile », « rassemblement et collusion dans l'intention de commettre des crimes contre la sécurité nationale » et « activité de propagande contre le système ». Une autre journaliste, Nazila Maroofian, aurait été reconnue coupable de « propagande contre le système » et de « diffusion de mensonges afin de dissoudre le système ».
« Les familles des victimes ont le droit de pleurer et de commémorer leurs proches selon leurs croyances culturelles et religieuses, notamment en organisant des cérémonies publiques. En vertu du droit international des droits humains, l'État doit respecter et garantir le droit de rechercher la vérité, la justice et des réparations pour les victimes et leurs familles et s'abstenir de toute intimidation, harcèlement et représailles », a déclaré Viviana Krsticevic, membre de la mission d'établissement des faits.
Répression de la dissidence
Les informations reçues par la Mission d'établissement des faits suggèrent à titre préliminaire que, plutôt que de défendre les droits de l'homme, le Gouvernement de la République islamique d'Iran a affiné et renforcé sa capacité et ses actions pour réprimer la dissidence, notamment en recourant aux technologies de surveillance. Quiconque participe au mouvement « Femme, vie, liberté », notamment en manifestant ou en partageant publiquement son soutien, par exemple sur les réseaux sociaux, risque d'être arrêté, détenu, torturé et maltraité, ainsi que poursuivi pour des crimes graves pouvant conduire à l'imposition de la peine de mort.
La Mission d'établissement des faits exhorte le « Comité spécial » du gouvernement créé le 7 mai 2023 à enquêter sur les manifestations et à examiner ces allégations de harcèlement et d'intimidation, ainsi que de violations présumées des droits humains des manifestants, des journalistes, des avocats et des défenseurs des droits humains et de rendre publiques leurs conclusions, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l'homme.
La Mission d'établissement des faits réitère également son appel au gouvernement iranien pour qu'il coopère pleinement à ses enquêtes et veille à ce que toutes les personnes concernées aient un accès sans entrave et en toute sécurité pour fournir des preuves, y compris le renvoi de leurs cas à la Mission d'établissement des faits.
Le gouvernement n'a jusqu'à présent pas répondu aux demandes répétées d'informations de la Mission d'établissement des faits, qui présentera un rapport complet sur ses conclusions au Conseil des droits de l'homme lors d'un dialogue interactif lors de sa 55e session en mars 2024.