Les avocats du lobbyiste franco-algérien Tayeb Benabderrahmane dénoncent la condamnation à mort de leur client qui aurait été prononcée par le Qatar, ainsi que le "silence total" sur le sujet du Quai d'Orsay qui a pourtant été informé d'après eux.
"Après une longue année d'enquêtes et en suivant toute la procédure ainsi que les lois de l'État du Qatar, M. Tayeb Benabderrahmane et d'autres personnes ont été reconnues coupables du crime d'espionnage pour collaboration avec un État étranger", a répondu mercredi un officiel qatari à l'AFP. Le lobbyiste "a eu le droit à être défendu, au niveau local et international, pendant toute la procédure", a-t-on ajouté, sans faire de commentaire sur la peine elle-même.
Le Qatar applique peu la peine de mort, qui équivaut habituellement à une condamnation à la prison à vie. Selon Amnesty International, le pays a exécuté un condamné en 2020, après une pause de vingt ans.
Sollicités mardi et mercredi par l'AFP, le Quai d'Orsay n'a pas réagi.
La défense de M. Benabderrahmane a dénoncé mardi lors d'une conférence de presse à Paris une lettre officielle de l'émirat qui aurait été adressée en juillet à la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna, révélée par le média d'investigation Blast dimanche et dont l'AFP a eu connaissance. Dans cette lettre, le ministre qatari des Affaires étrangères Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani évoquait "un jugement (...) rendu par la cour d'assises du Qatar", daté de fin mai, prononçant "la peine de mort" à l'encontre de M. Benabderrahmane. D'après le lobbyiste, l'émirat lui reproche la possession de documents potentiellement compromettants sur Nasser Al-Khelaïfi, le patron qatari du Paris Saint-Germain.
"L'Etat français se mure depuis bientôt deux ans dans un silence total, estimant pour une raison que nous ignorons, que le sort de son ressortissant n'est pas un problème", s'est insurgé mardi Luke Vidal, avocat de M. Benabderrahmane avec Me Romain Ruiz. Les deux avocats "envisagent (...) une action en justice à l'encontre du ministère des Affaires étrangères et de Mme Colonna", a ajouté Me Vidal.
Interrogée sur l'authenticité du document, la défense du Franco-Algérien fait état d'un dossier "tellement incroyable et démentiel" qu'elle préfèrerait qu'il soit "faux".
En février, trois juges d'instruction parisiens ont été désignés pour enquêter sur les accusations formulées par Tayeb Benabderrahmane dans une plainte. Nasser Al-Khelaïfi a été perquisitionné dans ce dossier en juillet.
M. Benabderrahmane, 42 ans, assure avoir été séquestré au Qatar à partir de janvier 2020 et pour six mois, puis avoir été interdit de sortie de territoire jusqu'en octobre 2020, avec assignation à résidence dans un hôtel. L'entourage de "NAK" conteste, en s'appuyant sur un témoignage de l'épouse du lobbyiste, et affirme qu'il pouvait se déplacer, téléphoner et avoir accès à ses comptes bancaires et à ses avocats, français et qataris.
Dans sa lettre, le ministre qatari demande à Mme Colonna "une attention particulière à cette affaire", jugeant que les "autorités françaises compétentes" auraient pu "obtenir son aval (celui de "NAK", NDLR) pour la perquisition de son bureau, de son domicile et de son téléphone portable".
La défense de Nasser Al-Khelaïfi n'a pas souhaité s'exprimer officiellement.