Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a décidé de reprendre les exécutions capitales, notamment contre les militaires accusés de trahison, alors que l'est du pays est en proie à l'avancée de la rébellion du M23, soutenue par l'armée rwandaise.
Le rétablissement de la peine de mort a aussitôt été vivement critiqué par les organisations de défense des droits humains.
Cette décision, notifiée dans une circulaire signée mercredi par la ministre de la Justice, Rose Mutombo, et authentifiée vendredi par l'AFP, lève le moratoire sur l'exécution de la peine de mort, daté de 2003, et vise également les auteurs de «banditisme urbain entraînant mort d'homme».
Depuis deux ans, la RDC fait face à une offensive des rebelles du M23 qui se sont emparés de larges pans de la province du Nord-Kivu (est), et ont fortement étendu leur emprise vers le nord ces deux dernières semaines.
La déroute de l'armée congolaise et de ses milices supplétives face à la progression du M23 a attisé chez les autorités des soupçons d'infiltration des forces de sécurité.
De nombreux militaires, y compris des officiers supérieurs des FARDC (Forces armées de la RDC), mais également des députés, des sénateurs et des personnalités du monde économique dans l'Est de la RDC, ont été arrêtés et accusés de «complicité avec l'ennemi».
Régulièrement prononcée, notamment dans des affaires impliquant des militaires ou des membres de groupes armés, la peine de mort n'était plus appliquée depuis la signature du moratoire décidé sous le régime du président Joseph Kabila (2001-2019).
Les condamnations à mort étaient depuis lors systématiquement commuées en prison à perpétuité. Les personnes condamnées à mort restaient alors détenues dans les prisons congolaises.
Les organisations de défense des droits humains ont immédiatement dénoncé cette décision et appelé à son annulation.
Pour Amnesty International, la décision des autorités congolaises est «une grave régression et un nouveau signe du recul alarmant de l'administration Tshisekedi en matière de droits humains». Amnesty considère donc qu'«elle doit être annulée».
«Complicité avec l'ennemi»
Le mouvement citoyen congolais pro-démocratie Lucha (Lutte pour le changement) a de son côté condamné cette décision, estimant qu'elle «ouvre un couloir à des exécutions sommaires dans ce pays où le fonctionnement défectueux de la justice est reconnu par tous, y compris le magistrat suprême lui-même», faisant référence aux critiques récentes du président Félix Tshisekedi envers le système judiciaire de la RDC qu'il estime être «malade, même dans le traitement des dossiers».
Jean-Claude Katende, président de l'Asadho, une des principales organisations congolaises de défense des droits humains, a dénoncé sur X «un véritable recul» et considère que «dans un pays où la justice est qualifiée de malade, on livre les éventuels prévenus à la mort certaine.»
Selon la note circulaire, les «actes de traîtrise ou d'espionnage ont fait payer un lourd tribut tant à la population qu'à la République au regard de l'immensité des préjudices subis».
Le rétablissement des exécutions vise à «débarrasser l'armée de notre pays des traîtres (...) et d'endiguer la recrudescence d'actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d'homme», écrit encore la ministre de la Justice.
Des sources sécuritaires à l'est de la RDC, ayant requis l'anonymat, ont indiqué à l'AFP qu'il serait déjà prévu des «exécutions publiques de militaires» accusés de «collaborer avec l'ennemi», notamment avec les rebelles du M23 et le Rwanda.
Plus grand pays d'Afrique subsaharienne (2,3 millions de km2), la RDC a connu deux guerres depuis le début du siècle (1996-97 et 1998-2003). Le pays a frôlé l'éclatement au cours de ces conflits, impliquant de nombreuses milices et les armées de plusieurs pays de la région.