(Kampala) Organisations de protection des droits humains et chancelleries occidentales ont exprimé leur inquiétude après la décision mercredi de la Cour constitutionnelle ougandaise de rejeter une demande d'annulation de la loi anti-LGBT+ votée l'an dernier, considérée comme l'une des plus répressives au monde.
Baptisé « loi anti-homosexualité 2023 », le texte prévoit de lourdes peines pour les personnes ayant des relations homosexuelles et faisant la « promotion » de l'homosexualité. Un délit d'« homosexualité aggravée » est passible de la peine de mort, une condamnation qui n'est toutefois plus appliquée depuis des années en Ouganda.
Depuis son vote en mars 2023, suivie de sa promulgation en mai par le président Yoweri Museveni, cette loi est décriée par membres de la communauté LGBT+, ONG de défense des droits humains, gouvernement occidentaux et institutions internationales.
Mercredi, le texte a été confirmé par la Cour constitutionnelle, qui avait été saisie par des militants ougandais de protection des droits humains, deux professeurs de droit et deux parlementaires du parti au pouvoir (Mouvement de résistance nationale, MNR).
« Nous refusons d'annuler la loi anti-homosexualité dans son intégralité et n'accorderons pas non plus une injonction permanente contre son exécution », a déclaré le juge Richard Buteera.
Les cinq magistrats constitutionnels ont toutefois supprimé des dispositions qu'ils jugeaient incompatibles avec les conventions internationales, comme le fait de sanctionner la non-dénonciation d'actes homosexuels.
Washington, par la voix du porte-parole du Départment d'État Matthew Miller, a estimé que cette décision « fait partie d'une dégradation plus large de la protection des droits humains qui met en danger tout le monde en Ouganda et porte atteinte à la réputation du pays ».
« Nous continuerons à prendre toutes les mesures appropriées », a-t-il ajouté, en référence aux sanctions déjà prononcées par l'administration américaine restreignant l'attribution de visas pour certains officiels ougandais et retirant l'Ouganda de l'accord commercial de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA).
Le chef de la diplomatie britannique David Cameron s'est également dit « profondément préoccupé par le fait que l'Ouganda continue de faire reculer les droits humains », dans un message sur X.
« Occasion manquée »
Les requérants n'avaient pas communiqué mercredi soir sur une éventuelle saisine de la Cour suprême, après ce jugement qualifié de « sommaire » par l'avocat Nicholas Opiyo, qui a défendu le recours.
Amnistie internationale a regretté une « occasion manquée » d'invalider un texte « impitoyable » qui a, selon l'ONG, « déclenché une augmentation des attaques contre les personnes LGBT+ » dans le pays.
« Nous sommes consternés de voir que la Cour a tourné le dos à sa responsabilité de faire pleinement respecter la Constitution ougandaise qui protège les droits humains de tous », a déploré dans un communiqué le directeur d'Amnistie internationale pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe, Tigere Chagutah.
« Cette décision est décevante et constitue une occasion manquée de protéger des droits humains fondamentaux », a également estimé Oryem Nyeko, chercheur sur l'Ouganda pour Human Rights Watch.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a de nouveau appelé dans un communiqué le gouvernement ougandais à « abroger dans son intégralité » le texte, qu'il avait qualifié l'an dernier de « probablement le pire au monde en son genre ».
Sanctions
Cette loi bénéficie d'un large soutien en Ouganda, pays à majorité chrétienne conservatrice, où les parlementaires estiment qu'elle constitue un rempart nécessaire contre l'immoralité présumée de l'Occident.
La présidente du Parlement, Anita Among, a qualifié de « grande réussite » cette décision qui « prouve que toutes les branches du gouvernement, le parlement, l'exécutif et le judiciaire, ont un objectif commun : protéger l'Ouganda contre toute influence étrangère négative ».
Le président Yoweri Museveni, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1986, a promis de ne pas céder aux pressions occidentales qui se sont multipliées depuis un an.
Les États-Unis, l'Union européenne et le secrétaire de l'ONU, Antonio Guterres, ont mis en garde sur le fait que l'aide étrangère et les investissements dans le pays pourraient être compromis si le texte était maintenu.
Outre les sanctions américaines, la Banque mondiale a également annoncé en août qu'elle suspendait tout nouveau prêt au pays en raison de cette législation « fondamentalement contraire » à ses valeurs.
L'homosexualité est illégale dans de nombreux pays d'Afrique de l'Est, où les campagnes de répression et de stigmatisation sont encouragées par les conservateurs religieux musulmans et chrétiens.