La justice militaire congolaise a condamné à mort lundi 22 soldats accusés de "fuite devant l'ennemi" lors des combats contre les rebelles du M23, portant à près de 50 le nombre de peines capitales prononcées en moins d'une semaine pour les mêmes motifs, a-t-on appris auprès de la défense.
Dans un dossier, le tribunal, siégeant à Lubero (Nord-Kivu, est), a prononcé 16 peines de mort, trois peines de 10 ans de prison et trois acquittements, alors que l'accusation avait requis samedi la peine capitale contre les 22 accusés. Dans une autre affaire examinée et jugée dans la foulée, six soldats ont été condamnés à mort et un acquitté, a précisé à l'AFP l'avocat Jules Muvweko.
Ce dernier a annoncé son intention de faire appel.
Mercredi dernier, le même tribunal, qui siégeait alors dans le village d'Alimbongo, à environ 70 km de Lubero, avait condamné un groupe de 25 militaires à la peine de mort. Vendredi à Lubero, deux peines capitales avaient été prononcées.
Tous ces militaires étaient poursuivis pour "lâcheté", "fuite devant l'ennemi", "dissipation de munitions de guerre", "violation des consignes", meurtre, vol, pillages ou encore extorsion.
Ces procès ont lieu alors que la rébellion du M23 ("Mouvement du 23 mars"), soutenue par le Rwanda, s'est emparée fin juin de nouvelles localités sur le front nord du conflit en cours depuis deux ans et demi dans le Nord-Kivu.
Depuis fin 2021, cette rébellion a conquis de vastes pans de territoire de la province, jusqu'à encercler presque entièrement son chef-lieu, Goma.
Ces audiences ont un caractère "dissuasif et pédagogique", avait déclaré vendredi à l'AFP la capitaine Mélissa Kahambu Muhasa, représentant le ministère public. Elles visent à empêcher les militaires d'abandonner leurs postes sur les lignes de front, un "fléau" selon elle.
Le lendemain, la défense avait plaidé les circonstances atténuantes. "On laisse des militaires cinq jours sans manger sur la ligne de front, que vont-ils faire ?", s'était interrogé Me Muvweko. "Le gouvernement doit prendre soin des militaires au front pour éviter tout ça", avait-il lancé.
"C'est à cause de la faim qu'il y a eu pillages", avait insisté l'avocat.
Aucune exécution capitale n'a eu lieu en RDC depuis plus de vingt ans.
Mais la déroute de l'armée congolaise face à la progression du M23, appuyé par des unités de l'armée rwandaise, a attisé chez les autorités de Kinshasa des soupçons d'infiltration des forces de sécurité.
De nombreux militaires, y compris des officiers supérieurs, ainsi que des personnalités politiques et du monde économique, ont été arrêtés et accusés de "complicité avec l'ennemi".
Et en mars, Kinshasa a décidé de lever un moratoire sur l'exécution de la peine de mort qui était en vigueur depuis 2003. Selon le gouvernement, cette mesure, très critiquée par les organisations de défense des droits de l'Homme, cible en priorité les militaires accusés de trahison.
Début mai, de premières peines de mort avaient été prononcées à Goma pour "lâcheté" et "fuite devant l'ennemi" à l'encontre de huit militaires, dont cinq officiers.