ANKARA (AFP) - Le Premier ministre turc Bulent Ecevit, 77 ans, est réapparu dimanche devant les caméras pour la première fois en dix jours et a assuré qu'il était aux rênes du gouvernement malgré sa santé précaire et les multiples appels à sa démission.
"Il n'est pas question d'un éloignement des affaires de l'Etat. Je n'ai aucune intention de quitter les affaires du gouvernement. Je n'en ai pas le droit", a-t-il dit lors d'une conférence de presse organisée dans le jardin de sa résidence privée où il est au repos avec assistance médicale.
M. Ecevit n'était pas apparu en public depuis le 28 mai dernier, après avoir quitté la veille l'hôpital. Il est absent de la vie politique depuis plus d'un mois. Souriant et l'air décontracté, il a assuré que la situation ne créait pas de vide du pouvoir et qu'il continuerait de travailler quotidiennement chez lui pendant encore "deux ou trois semaines".
Interrogé avec insistance sur sa maladie, il a affirmé que sa côté cassée et la thrombophlébite pour lesquelles il avait été admis à l'hôpital le mois dernier avaient été "totalement guéries" mais qu'il souffrait encore d'une "blessure à la colonne vertébrale", sans plus de précisions.
Il a aussi démenti les informations de presse selon lesquelles il serait atteint de la maladie de Parkinson, concédant toutefois que son état de santé l'empêcherait d'assister au sommet européen de Séville, les 21 et 22 juin.
M. Ecevit a accru les doutes sur sa capacité à gouverner en renonçant vendredi pour raisons de santé à participer à une réunion cruciale sur les réformes à entreprendre afin d'intégrer la Turquie à l'Union européenne (UE).
Le sommet convoqué par le président Ahmet Necdet Sezer à mis au jour les profondes divergences des trois partenaires gouvernementaux concernant ces réformes --l'abolition complète de la peine de mort, et une télévision ainsi qu'un enseignement en kurde-- auxquelles s'opposent les ultranationalistes du MHP de M. Devlet Bahceli.
Ce dernier a même menacé à l'issue du sommet de démissionner si ses partenaires s'appuyaient "trop fréquemment" au parlement sur l'opposition pour faire passer ces réformes, notamment l'octroi de droits culturels aux Kurdes.
M. Ecevit a tenté de minimiser ces propos, se disant convaincu qu'il n'y aurait pas de "divergence sérieuse" concernant ces réformes.
A propos de l'abolition de la peine de mort, il a indiqué que cette question serait "résolue d'elle-même" si son parti pouvait rallier les voix de ses partenaires gouvernementaux ou de l'opposition.
Le MHP avait laissé entendre qu'il donnerait son accord à cette formule, soutenue par l'opposition islamiste au parlement, mais a demandé qu'elle ne devienne pas une "pratique courante" pour les autres réformes. "M. Bahceli a, à juste titre, indiqué que cette pratique (de recourir à l'opposition, ndlr) ne pouvait être constamment employée", a relevé M. Ecevit.
La peine de mort, qui n'est pas appliquée depuis 1984 en Turquie, a été abolie suite à un amendement constitutionnel en octobre dernier, excepté en temps de guerre, en cas de menace imminente de guerre, et de terrorisme.
Présent près d'un demi-siècle durant sur la scène politique turque, M. Ecevit dirige depuis 1999 la coalition la plus durable de l'histoire de la Turquie. Dans une ambiance de récession économique, son autorité est un élément clef de la cohésion entre des partenaires aussi disparates que son parti de gauche nationaliste, les conservateurs pro-européens de Mesut Yilmaz et les extrémistes de droite de M. Bahceli. M. Ecevit a aussi exclu des élections anticipées avant la date prévue de 2004, ironisant : "je n'ai pas à me plaindre du gouvernement actuel"