ANKARA (AFP) - Les députés turcs ont voté vendredi en faveur de l'abolition de la peine de mort, avec l'espoir de voir la Turquie se rapprocher des normes de l'Union Européenne à laquelle elle souhaite adhérer.
L'abolition de la peine de mort -- qui sauverait définitivement la tête du chef rebelle kurde Abdullah Ocalan, condamné à mort et considéré comme l'ennemi public numéro 1 en Turquie -- était la mesure la plus controversée de la série de réformes démocratiques qui ont fait l'objet de débats houleux à l'assemblée.
Ces réformes législatives sont jugées déterminantes pour relancer la candidature de la Turquie à l'intégration dans l'Union Européenne et lui permettre d'obtenir d'ici la fin de l'année un calendrier pour ses négociations d'adhésion.
Un vote préliminaire sur l'abolition de la peine de mort, sauf en temps de guerre, a reçu un soutien plus large qu'attendu, avec 256 votes favorables, 162 voix contre et une abstention parmi les 419 députés assistant aux débats du parlement qui compte 550 sièges.
Ce résultat a réconforté le Premier ministre Bulent Ecevit, dont la coalition tripartite a été marquée de profondes divisons sur les réformes démocratiques destinées à permettre l'intégration de la Turquie au sein de l'UE, en particulier sur l'abolition de la peine de mort.
"Je suis très optimiste sur la question de l'UE. L'accès de l'entrée à l'UE est très important pour la Turquie", a déclaré M. Ecevit après le vote.
La plupart des députés ayant voté contre l'abolition de la peine de mort appartiennent à l'Action nationaliste (MHP), principal parti de la coalition gouvernementale et première formation au parlement, qui affirme que le rebelle kurde Ocalan doit être exécuté.
Les dissensions sur ces réformes pro-européennes au sein de la coalition avaient entraîné une crise gouvernementale le mois dernier, accroissant les tensions liées aux difficultés pour M. Ecevit d'assumer ses fonctions en raison de sa mauvaise santé.
Les députés s'étaient prononcés mercredi en faveur d'élections anticipées le 3 novembre, après que des démissions massives au sein du gouvernement eurent remis en cause la majorité parlementaire et mis en péril les réformes économiques soutenues par un prêt de 16 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI).
Outre l'abolition de la peine de mort, la série de réformes démocratiques examinées par les députés comprend la légalisation de l'enseignement et de la diffusion audiovisuelle en langue kurde, ainsi qu'une extension de la liberté d'expression et d'association.
Les débats entamés jeudi devraient s'achever dans la nuit de vendredi à samedi jusqu'à ce que l'ensemble de ces réformes soient adoptées ou rejetées en bloc.
Avec le refus du MHP d'accepter l'abolition de la peine de mort ainsi que l'octroi de droits culturels spécifiques à la population kurde, le soutien des députés d'opposition s'avère décisif.
Tous les partis d'opposition se déclarent favorables à l'adhésion de la Turquie à l'UE, mais selon beaucoup d'observateurs, les députés pourraient craindre de s'aliéner le vote des électeurs nationalistes avant les élections anticipées de novembre.