Martin ABBUGAO
SINGAPOUR - La polémique autour de la pendaison, la semaine prochaine, d'un Australien condamné à mort pour trafic de drogue, rappelle que l'ultra-moderne Singapour est un des pays au monde où le taux d'exécutions capitales est le plus élevé.
Nguyen Tuong Van, Australien d'origine vietnamienne, doit être pendu à la prison Changi le 2 décembre après le rejet de son recours en grâce par le président de Singapour, S.R. Nathan.
Le jeune homme de 25 ans avait été arrêté à l'aéroport de Singapour en 2002 en transit entre l'Australie et le Cambodge avec 400 grammes d'héroïne, soit 26.000 doses, selon le gouvernement de la cité-Etat.
Le cas suscite émoi et colère en Australie, où de multiples voix, dont celle du Premier ministre John Howard, se sont élevées pour appeler Singapour à la clémence. Mais tout espoir est perdu, souligne Sinapan Samydorai, responsable du Centre de réflexion, une organisation de défense des droits civiques qui lutte pour l'abolition de la peine capitale.
"Il n'y a pas de précédent de responsables de Singapour qui modifient leur opinion à ce stade", rappelle-t-il. "Franchement, je ne pense pas que M. Nguyen ait une seule chance à ce stade".
Singapour ne publie pas de chiffres sur le nombre des pendaisons, mais l'organisation britannique Amnesty International les évalue à environ 420 entre 1991 et 2004. Le groupe des droits de l'homme qualifie ce nombre de "choquant" et rappelle que la population singapourienne dépasse à peine les quatre millions.
Singapour "a toujours le plus haut taux (d'exécutions capitales) par habitant au monde", regrette Timothy Parritt, chercheur d'Amnesty pour l'Asie du Sud-Est.
L'expert cite un rapport des Nations unies datant de cette année et qui montre que, entre 1999 et 2003, Singapour se situait en tête des statistiques, avec un taux de 6,9 exécutions capitales par million d'habitants, suivi de pays comme l'Arabie saoudite (3,7) et la Jordanie (3,1).
"Singapour va à l'encontre de la tendance mondiale vers une abolition de la peine de mort", souligne M. Parritt.
Les autorités répondent que les pendaisons ont un pouvoir de dissuasion efficace face à la criminalité et citent des études internationales accordant leur satisfecit au système judiciaire du micro Etat.
La plupart des condamnés à mort sont des Singapouriens et ont été reconnus coupables de trafic de drogue, font ressortir des données du ministère de l'Intérieur, qui rappelle que ce crime est considéré comme l'un des plus graves sur l'île étant donné sa situation, à proximité du "Triangle d'Or", zone de production aux confins de la Thaïlande, de la Birmanie et du Laos.
Amnesty souligne que de nombreux pendus étaient des immigrés, de Malaisie, Hong Kong, Philippines, Bangladesh, etc. En 1995, l'employée de maison philippine Flor Contemplacion avait été exécutée pour le meurtre d'une de ses coreligionnaires ainsi que d'un garçon singapourien. Cette pendaison avait suscité l'ire de Manille.