PARIS -- Dix détenus de la centrale de Clairvaux (Aube) condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ont réclamé le "rétablissement effectif de la peine de mort" pour eux-mêmes dans une lettre du 16 janvier adressée "à ceux de l'extérieur affirmant que la peine de mort est abolie".
"Nous, les emmurés vivants à perpétuité du centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (...), nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous", commence la lettre dont l'Associated Press a pu se procurer un exemplaire.
Les dix hommes, qui ont déjà purgé entre six et 28 années de détention, dénoncent "la perpétuité réelle" à laquelle ils sont condamnés "sans aucune perspective réelle de libération à l'issue de (leur) peine de sûreté".
"Nous préférons en finir une bonne fois pour toute que de nous voir crever à petit feu, sans espoir d'aucun lendemain, après bien plus de 20 années de misères absolues", notent Abdelhamid Hakkar, André Gennera, Bernard Lasselin, Patrick Perrochon, Milivoj Miloslavjevic, Daniel Aerts, Farid Tahir, Christian Rivière, Jean-Marie Dubois et Tadeusz Tutkaj dans un texte dactylographié d'une page.
"Assez d'hypocrisie", lancent encore les dix détenus fustigeant "'la République des Lumières et de la Liberté' de 2006 qui nous torture et nous anéantit tranquillement en toute apparente légalité au 'nom du peuple français' en nous assénant en fonction du climat social ou à la faveur d'un fait divers ou encore d'échéances électorales, mesures répressives sur mesures répressives sur le fondement du dogme en vogue du 'tout sécuritaire"'.
"Combien d'entre nous -du moins pour ceux qui ne sont pas décédés depuis- ont déjà purgé plusieurs années au-delà de leur peine de sûreté de 18 ans?", s'interrogent encore les signataires de la lettre affirmant qu'on ne peut en sortir que "sénile et totalement brisé". "En pareil cas, qui peut vraiment se réinsérer socialement?"
Il n'est pas établi comment la lettre, écrite le 16 janvier, a pu sortir de la maison centrale. La peine de mort a été abolie en France en 1981.
La maison centrale de Clairvaux, installée dans une ancienne abbaye cistercienne, est l'une des prisons les plus sécuritaires de France. Elle accueille environ 170 détenus, tous condamnés à de longues peines.
Dans le passé, elle a été le lieu de nombreuses révoltes et mutineries qui ont provoqué la mort d'un surveillant et d'une infirmière pris en otage en 1971, et d'un autre surveillant victime d'une évasion sanglante en 1992.