KABOUL (AP) -- Pour absence de preuves, l'Afghan converti au christianisme ne sera pas jugé à brève échéance pour apostasie, ce qui l'aurait automatiquement condamné à la peine capitale. Il devrait être libéré prochainement pendant que l'enquête se poursuit.
Cette annonce est survenue alors que le président Hamid Karzaï se trouvait sous forte pression de la part de ses soutiens occidentaux qui lui demandaient d'intercéder en faveur de la libération d'Abdul Rahman. A l'inverse, les religieux de son pays estiment qu'ils mérite la mort.
Selon une source proche de l'enquête, le dossier a été renvoyé pour complément d'information mais dans l'intervalle le suspect sera libéré.
»La justice a renvoyé les poursuites contre Abdul Rahman pour insuffisance d'éléments d'information et une série de lacunes juridiques dans l'affaire», a expliqué un responsable sous couvert de l'anonymat. «La décision concernant sa libération sera prise éventuellement demain» (lundi). «Ils n'est pas nécesaire de le garder derrière les barreaux pendant que parquet général examine le cas.»
Abdul Wakil Omeri, porte-parole de la Cour suprême, a confirmé le renvoi en mettant en avant «des problèmes avec les éléments à charge du parquet». Il a ajouté que plusieurs membres de la famille du suspect avaient affirmé qu'il souffrait de troubles psychologiques. «C'est la tâche du parquet de décider s'il est apte mentalement à être jugé».
Un diplomate occidental, qui a refusé d'être cité nommément en raison du caractère délicat de l'affaire, a expliqué que la question se posait de savoir si Abdul Rahman resterait en Afghanistan ou s'il ne valait pas mieux qu'il parte à l'étranger. Des religieux ont en effet menacé d'inciter la population à le tuer s'il était libéré. Il ne fait aucun doute dans leur esprit qu'Abdul Rahman a violé la charia, la loi islamique, en rejetant la religion de ses ancêtres.
Dans un entretien paru dimanche dans le journal italien «La Repubblica», le justiciable se dit «serein. Je suis pleinement conscient de mon choix. Si je dois mourir, je mourrai.» »Quelqu'un, il y a longtemps, l'a fait pour chacun d'entre nous», ajoute-t-il dans une allusion limpide au Christ.
Les autorités n'ont pas autorisé la presse à avoir accès à cet homme de 41 ans et l'interview de «La Repubblica» a été recueilli par un militant des droits de l'homme qui lui a rendu visite dans sa prison de Kaboul. Depuis lors, il a été transféré dans la prison de haute sécurité de Pol-e-Charki en dehors de la capitale afghane pour y garantir sa sécurité qui était menacée par d'autres détenus, selon les autorités. Il est seul dans sa cellule.
Cet ancien musulman s'est converti il y a 16 ans alors qu'il travaillait pour une organisation humanitaire chrétienne au Pakistan où il s'occupait de réfugiés de son pays.
Un mouvement de solidarité internationale a commencé à naître en sa faveur en Occident, après son arrestation le mois dernier et son inculpation pour apostasie.
Samedi, le pape Benoît XVI a pris sa défense et dimanche, place Saint-Pierre, il a évoqué les chrétiens persécutés pour leur foi. »Mes pensées se tournent en particulier vers ces communautés qui vivent dans des pays où il y a une absence de liberté religieuse, où malgré des affirmations sur le papier, elles sont en vérité sujettes à de nombreuses restrictions», a déclaré le souverain pontife lors de sa bénédiction dominicale traditionnelle.