Bester Gabotlale
GABORONE, 19 mai (IPS) - Le Botswana a été sous les feux de l'actualité internationale en 2001 après avoir condamné à la hâte et pendu secrètement une femme sud-africaine blanche, Marriette Sonjaleen Bosch, reconnue coupable de meurtre.
Cinq ans après, des activistes des droits de l'Homme estiment que très peu de choses ont changé. Des condamnations rapides, des exécutions sommaires et un traitement inhumain de la famille des prisonniers -- tous des signes distinctifs de l'affaire Bosch -- continuent. En effet, le gouvernement n'est pas désolé de cela.
''Il n'y a pas eu de changement, aucun'', a déclaré à IPS, Jeff Ramsay, porte-parole du président.
Il a indiqué que le statu quo resterait pendant longtemps encore. Son optimisme au sujet de la position du gouvernement n'est pas une surprise. Le président Festus Mogae est un ''partisan'' déclaré ''du châtiment''.
Ce pays enclavé d'Afrique australe a pendu 39 personnes depuis qu'il a accédé à l'indépendance en 1966. C'est l'une des 35 nations africaines qui conservent et pratiquent la peine de mort.
La dernière exécution a été appliquée sur Modisane Ping, qui a été pendu le 1er avril. Ping, qui a été reconnu coupable du meurtre de sa petite amie et de son fils de six ans, était le seul condamné à mort qui restait.
Le cas de Bosch n'était pas différent, excepté que cela a aidé à mettre en exergue le racisme, a déclaré Ramsay. Bosch a seulement attiré l'attention internationale à cause de la couleur de sa peau, a-t-il soutenu.
Depuis qu'elle a été pendue, le Botswana a exécuté cinq citoyens, y compris un Sud-Africain noir, Lehlohonolo Kobedi, condamné pour l'assassinat d'un sergent de police. Aucun n'a reçu l'attention que l'exécution de Bosch avait eue.
Bosch a été reconnue coupable du meurtre prémédité de son amie Maria Woolmarans, dont elle a épousé plus tard le mari, Tinnie. Elle avait été exécutée le 31 mars 2001.
Répondant à des questions sur Bosch trois jours seulement après sa pendaison, le président Mogae a dit, à une conférence de presse : ''Rappelez-vous, pour nous, c'était un cas de meurtre, un point c'est tout...Peut-être que vous nous convaincrez (du contraire) un de ces jours''.
Toutefois, jusqu'ici, ''un de ces jours'' dont parle Mogae n'est nulle part à l'horizon. Le gouvernement du Botswana n'a pas changé d'avis sur la peine de mort. Et les militants de son abolition n'ont aucun indice pour dire si oui ou non quelqu'un les écoute là-bas.
''L'Etat a ouvertement ignoré les appels en faveur d'un moratoire ou de l'abolition de la peine de mort au Botswana'', a déclaré à IPS, Alice Mogwe, directrice de Ditshwanelo, le Centre des droits de l'Homme du Botswana.
Mogwe a regretté le fait que le gouvernement se soit servi de la couleur de Bosch pour détourner l'attention de la question de la peine de mort. Toutefois, a-t-elle dit, l'exécution hâtive de Bosch par la suite, deux mois seulement après qu'elle a perdu en appel, a aidé à mettre la question sur la place publique.
Ditshwanelo préconise l'abolition de la peine de mort conformément aux normes internationalement convenues sur les droits de l'Homme qui interdisent toutes les formes de traitement et de punition cruels, inhumains, dégradants.
Le supplice de Bosch digne d'une série de cinéma a commencé à 6 heures du matin le vendredi, 30 mars, 2001, lorsqu'on lui a remis sa lettre d'exécution.
Lorsque son mari Tinnie Woolmarans a appelé les autorités à la prison de haute sécurité à Gaborone pour fixer un moment pour lui rendre visite plus tard ce jour-là, il n'a pas été informé de l'exécution en instance. On lui a plutôt dit qu'il y avait une inspection en cours dans la prison et qu'il devrait venir plutôt lundi.
Il n'aurait jamais pu penser au pire : le sort de sa femme avait été décidé; elle serait pendue le lendemain matin.
Même si les autorités carcérales n'aient pas laissé son mari et sa famille lui rendre visite, elles ont permis à Bosch de passer ses dernières heures à écrire des lettres qui seraient remises après sa mort. Elles étaient ses dernières paroles.
''Ils n'ont pas voulu que je te voie'', a-t-elle écrit dans une des lettres promettant son amour éternel à son mari et l'implorant de s'occuper de la famille.
Le régisseur en charge des Prisons et de la réhabilitation, dans un mémo annonçant l'exécution le 31 mars, a fait une note manuscrite : ''L'annonce devrait être faite le lundi 2 mars à n'importe quelle heure, à partir de 6 heures du matin''.
La famille a appris son exécution de la même manière que tout autre individu -- au lancement d'un bulletin d'information à l'heure du déjeuner deux jours après qu'elle a été pendue.
Le cas de Bosch n'est pas différent des nombreux autres qui ont été pendus avant ou après son exécution. Son appel au président Mogae pour qu'il exerce sa ''prérogative de grâce'' pour sauver sa vie n'a jamais reçu de réponse, comme ce fut le cas pour celui de Ping, qui a été exécuté le mois dernier.
Des militants des droits de l'Homme, dont Ditshwanelo, continuent de se plaindre des exécutions secrètes et sommaires, des refus de donner aux prisonniers condamnés un sursis à l'exécution, et du mauvais traitement de leurs familles.
''Le gouvernement n'a jamais exercé le pouvoir de grâce ni communiqué que la demande a été rejetée jusqu'à après l'exécution'', a déclaré Kgafela Kgafela, un avocat des droits de l'Homme.
Mogwe, la directrice de Ditshwanelo, a indiqué que c'est répugnant que l'Etat continue d'exécuter des gens dans le plus grand secret. Un tel acte punit les familles qui ne sont pas responsables du crime, a-t-elle ajouté.
''Nous croyons qu'un manque de transparence dans les procédures est une sérieuse menace pour la démocratie et la bonne gouvernance'', a-t-elle souligné.
Commentant la dernière pendaison, Mogwe a ajouté : ''Les autorités carcérales font preuve d'une cruauté inutile vis-à-vis des membres des familles au moment de l'exécution des peines de mort''.
Des membres de la famille demandant la permission de voir leur bien-aimé sont informés ''d'une inspection'' seulement pour apprendre le lundi suivant que la personne avait été exécutée, a-t-elle dit.
C'est ce qui est arrivé dans l'exécution de Bosch, de Kobedi et, plus récemment de Ping.
''Beaucoup de gens ne savaient pas que la famille ne pouvait même pas assister à l'enterrement d'un prisonnier condamné'', a indiqué Mogwe à IPS. Elle n'est pas non plus autorisée à se rendre sur leurs tombes.
Mogwe a également affirmé que malgré les nombreuses exécutions, la peine de mort n'a pas réduit le taux d'homicides volontaires au Botswana. ''Une attention sérieuse devrait être accordée aux causes premières de la criminalité et des solutions devraient être trouvées'', a-t-elle dit.
Des procès-verbaux de la police montrent que 1.500 personnes ont été assassinées au Botswana au cours de ces cinq dernières années. A la fin d'avril, 47 homicides avaient été enregistrés en 2006.
Seema Kandelia et Nicola Browne du Centre d'études sur la peine capitale ont déclaré à un atelier régional sur la peine de mort en Afrique Australe, qui s'est déroulé en novembre dernier à Gaborone, qu'ils préconisaient l'éducation du public sur la peine de mort.
Dans un document présenté à l'atelier, ils ont affirmé que les gouvernements avancent souvent le soutien du public comme une justification pour maintenir la peine de mort. Un tel soutien peut diminuer avec une éducation adéquate, on-ils estimé.
''Dans tout notre travail, nous mettons l'accent sur l'importance de l'introduction de peines efficaces, proportionnelles et humaines, autrement, il y a un risque que les pays se tournent vers la prochaine punition draconienne : la vie entière'', ont-ils dit à l'atelier.
Ils ont reconnu, toutefois, que la question du soutien des victimes pourrait être une grande omission dans le discours des abolitionnistes. C'est une question exploitée par les politiciens.
''Il y a également la nécessité du soutien des victimes, mais cela oublie également les éléments de justice naturelle, notamment la logique et la proportionnalité'', ont-ils souligné.
Ramsay, le porte-parole du président, a dit qu'il existe un soutien écrasant pour la peine de mort au Botswana.
Mais Bosch pourrait vivre pour hanter le même gouvernement qui a mis fin à sa vie. Elle n'a jamais plaidé coupable et il y a toujours une partie de l'opinion qui pense que le meurtrier de son amie est toujours en liberté.
Son avocate, Fashole Luke, s'exprimant à un débat sur la peine de mort, a déclaré : ''Lorsqu'une faute est commise, elle ne peut pas être corrigée''.