Nouri Zyad
RABAT , 10 août (IPS) - La tenue de l'assemblée générale de la Coalition mondiale contre la peine de mort, en juin dernier à Casablanca, dans le nord-ouest du Maroc, a renforcé la position des défenseurs de l'abolition de la peine capitale dans ce pays d'Afrique du nord.
Il existe 361 cas de crimes dans le Code pénal, le Code militaire et la Loi sur le terrorisme, qui sont passibles d'une condamnation allant jusqu'à la peine de mort.
Mais, les défenseurs de l'abolition misent plutôt sur la dynamique enregistrée sur le plan des droits humains au Maroc, ces dernières années, pour convaincre l'Etat de ratifier certaines conventions internationales contre la peine capitale.
De l'indépendance du royaume en 1956 jusqu'en 1994, au total 198 condamnations à mort ont été prononcées par les tribunaux marocains, selon le ministère de la Justice. La dernière exécution a eu lieu en 1993; et en 1994, une amnistie générale avait été accordée par le pouvoir à tous les condamnés à mort, à l'exception de 13 cas, selon l'Association marocaine des droits humains (AMDH), une organisation non gouvernementale (ONG) locale.
De 1994 à 2004, les prisons du Maroc abritaient 149 condamnés à mort dont neuf femmes, soit 136 nouvelles condamnations prononcées au cours de cette période.
Mais, une dernière peine de mort a été prononcée en mai dernier par la Cour d'appel de Rabat, la capitale marocaine.
"Notre objectif premier est d'abolir la peine de mort au Maroc, étant donné son opposition à tous les principes moraux et humains, mais aussi à toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'Homme que le Maroc consacre dans le préambule de sa constitution", a déclaré à IPS, Mustapha Znaydi, journaliste marocain, membre de la Coalition mondiale contre la peine de mort.
"Notre préoccupation majeure dans la Coalition nationale contre la peine de mort est d'amener l'Etat à ratifier, dans l'immédiat, le deuxième Protocole facultatif annexe au Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, qui consacre le respect du droit à la vie", a indiqué à IPS, Abdelilah Benabdessalem, coordinateur de la Coalition nationale contre la peine de mort, basée à Rabat.
La coalition marocaine est composée de sept organisations locales indépendantes de défense des droits de l'Homme, dont l'Observatoire marocain des prisons (OMP), le Forum vérité et justice (FVJ), l'Organisation marocaine des droits de l'Homme (OMDH), et l'AMDH.
Benabdessalem, qui est également membre du comité central de l'AMDH, a ajouté que le mouvement des droits humains au Maroc ne cesse de réclamer à l'Etat l'harmonisation de la législation marocaine avec les conventions internationales, et la suprématie des lois internationales.
Selon Benabdessalem, qui est aussi un ancien détenu politique sous le précédent roi Hassan II, le Maroc devrait suivre une nouvelle politique pénale à même de garantir le respect du droit à la vie et la suprématie des légalisations internationales.
Le ministre marocain de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ -- un socialiste -- s'est exprimé récemment à titre personnel contre la peine de mort, ce qui augure, selon les observateurs, d'un sort positif réservé à l'abolition de la peine capitale.
''Je crois à la valeur d'exemple du Maroc, non pas comme un pays abolitionniste mais comme un pays qui peut envisager l'abolition, et cela représente énormément'', avait déclaré Michel Taube, secrétaire exécutif de la Coalition de la lutte mondiale contre la peine de mort, en juin, à Casablanca. ''Et ce sera une grande victoire pour nous si ce qui se passe aujourd'hui au Maroc pouvait arriver demain dans d'autres régions...''
Forte d'une cinquantaine d'ONG, dont Amnesty International, la Coalition mondiale contre la peine de mort, qui a été créée en 2002 à Rome, a décidé de se mobiliser en 2006 pour "encourager l'abolition de la peine de mort, en particulier en Asie dont la Chine, en Afrique, aux Etats-Unis et dans le monde arabe".
Contrairement à la condition réservée aux hommes condamnés à mort, au Maroc, il n'existe pas de couloir de la mort pour les femmes condamnées à la même peine, ni un pavillon central pour elles seules. Elles sont assemblées avec les autres femmes condamnées à des peines variées. La majeure partie des crimes commis par les femmes condamnées à mort est liée à la jalousie meurtrière ou à la légitime défense.
Le législateur marocain suspend, certes, l'exécution pour les femmes enceintes, jusqu'après leur accouchement, mais les réclamations des militants marocains des droits humains visent l'éradication de cette pratique qu'ils jugent "barbare et d'un autre âge".
Militante reconnue des droits humains au Maroc, Khadija Rouissi, qui est membre du FVJ, estime que les moratoires observés en matière de mise en application de la peine capitale sont, certes une situation avancée, mais elle croit qu'il est temps d'en finir une fois pour toutes.
"La mise en attente infernale des personnes condamnées dans des quartiers de la mort (couloirs de la mort) sous un régime particulier et les erreurs judiciaires commises de temps à autre donnent raison à la thèse abolitionniste, et nécessitent ainsi une position urgente et courageuse", a-t-elle déclaré à IPS.
"Cette pratique d'un autre âge est désormais obsolète, et ce n'est plus acceptable que la justice marocaine porte atteinte à un droit aussi sacré tel que le droit à la vie", a-t-elle ajouté.
Pour sa part, Mustapha Hassani un jeune avocat au barreau de Fès, à l'est de Rabat, estime que l'erreur judiciaire pourrait à elle seule constituer un argument suffisant pour aller dans le sens de l'abolition. "La fréquence au Maroc, comme partout dans le monde, d'erreurs judiciaires, incite à éradiquer cette peine qui ne laisse aucune chance au principe de la réparation de l'erreur", a-t-il souligné.
Pour beaucoup d'ONG et nombre d'associations professionnelles marocaines, la peine de mort doit être abolie pour que leur pays se dirige vers un monde plus humain, plus juste et plus équitable.