Abderrahim El Ouali
CASABLANCA, 5 oct (IPS) - Un projet de loi qui abolirait la peine capitale au Maroc pourrait être soumis au parlement au cours des tous prochains mois, a déclaré un membre d'un grand parti politique marocain.
Députée du parti d'opposition, le Front des forces démocratiques (FFD), Bouchra Khiari, qui est en train de prendre les devants de la proposition visant à mettre fin à la peine capitale, a dit à IPS que le projet de loi ''est prêt et a été soumis au secrétariat général du gouvernement''.
S'il est approuvé par le gouvernement, le projet de loi devrait être alors présenté à une commission parlementaire et soumis plus tard au parlement pour un vote.
A part son groupe, Khiari attend le soutien d'autres partis comme l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS).
Le FFD a été créé en 1997 par des membres dissidents du PPS. Mais cela n'affecterait pas la position du PPS vis-à-vis du projet d'abolition.
''La question concerne toute la société marocaine et l'ensemble du processus de démocratisation dans le pays. Nous soutenons l'abolition sur cette base, bien loin d'une quelconque opinion politique limitée'', a déclaré à IPS, Malika Oulialy, membre du comité central du PPS.
''L'abolition va dans le même sens que l'édification d'une société démocratique qui respecte la liberté et les droits, une société qui respecte d'abord le droit à la vie'', a ajouté Oulialy.
Le FFD organisera une conférence sur la peine de mort au cours de la dernière semaine d'octobre. A ce moment, Khiari a dit qu'elle espérait en savoir un peu plus sur les partis qui, en dehors de l'USFP et du PPS, apporteront leur soutien au projet ou ceux qui pourraient s'y opposer.
Si l'abolition de la peine de mort est adoptée par le parlement, le Maroc sera un leader parmi les Etats d'Afrique du nord et du monde arabe musulman. Sur le plan interne, la loi serait l'une des nombreuses réformes que le pays est en train d'entreprendre.
Depuis l'accession au trône du roi Mohamed VI en 1999, le parlement a approuvé une série de changements, dont un nouveau code de la famille qui donne plus de droits aux femmes et une nouvelle loi sur les poursuites pénales, qui offre aux suspects plus de garanties judiciaires.
Le projet d'abolition au Maroc est soutenu par toutes les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l'Homme, et a été recommandé par l'Instance Equité et réconciliation (IER). L'IER a été créée par le roi Mohamed VI pour faire la réconciliation avec les victimes de violations des droits humains durant le règne de son père Hassan II de 1961 à 1999.
La peine capitale semble n'avoir aucune place dans le Maroc d'aujourd'hui, a déclaré à IPS, Ahmed Kouza, un membre d'Amnesty International dans le royaume. ''Dans le passé, la peine de mort était infligée aux opposants politiques''.
L'IER estime à 528 le nombre de personnes tuées durant le règne du roi Hassan II aussi bien dans des exécutions judiciaires qu'extrajudiciaires.
Le membre d'Amnesty a indiqué que les criminels devraient être perçus comme des ''cas pathologiques qui devraient être guéris de l'agressivité et réintégrés plus tard dans la société''. La peine de mort, a ajouté Kouza, ''ne laisse aucune opportunité pour la correction et la réintégration des détenus dans la société''.
La résistance au projet est attendue de certains groupes islamiques qui croient que la loi de la charia impose que la peine de mort soit appliquée dans des crimes comme le meurtre et l'adultère. En particulier, le Parti de la justice et du développement (PJD), le seul parti islamique reconnu par le gouvernement, pourrait combattre le projet de loi.
Des responsables du parti PJD ont rejeté plusieurs demandes d'entretien avec IPS. Toutefois, ce parti n'a que 42 membres dans un parlement de 325 sièges, donc le PJD ne peut pas bloquer l'adoption.
''Je pense que les islamiques s'opposeront au projet d'abolition de la peine de mort parce qu'une telle opposition concorde tout à fait avec leurs fondements idéologiques'', a souligné Oulialy, du PPS.
Pour ce membre du comité central du PPS, l'opposition à l'abolition de la peine de mort pour des motifs religieux pose un problème constitutionnel.
''La constitution dit que le Maroc est un pays islamique. Par conséquent, aucun parti politique ne peut avoir un monopole sur la religion'', a-t-elle estimé.
Oulialy, qui est musulmane, a ajouté : ''L'islam a interdit de tuer. Donc, il n'y a aucune contradiction entre l'islam et la culture des droits de l'Homme''.
L'abolition est une demande sociale et ''concerne toute la société marocaine. Ceci est manifeste dans le fait que la demande d'abolition elle-même était venue pour la première fois d'un groupe d'ONG'', a souligné Oulialy.
Au même moment, tout comme l'implication des partis politiques dans la lutte pour l'abolition, une action civile est également cruciale pour la question de l'éducation de la société.
''Il est nécessaire que la société civile continue d'aller de l'avant. Des conférences et autres activités devraient se tenir pour accroître une prise de conscience de la question'', a-t-elle ajouté.