Associated Press (AP) Jennifer Quinn
30/12/2006 08h10
L'exécution de l'ancien président irakien Saddam Hussein a été saluée samedi par Washington et ses plus proches alliés, mais des condamnations se faisaient entendre dans le reste du monde, en particulier dans les pays musulmans où l'on craignait que cette mise en mort n'entraîne une nouvelle escalade dans la violence au Moyen-Orient.
«C'est une étape importante sur le chemin qui fera de l'Irak une démocratie capable de se gouverner, de subvenir à ses besoins et de se défendre, tout en étant un allié dans la guerre contre le terrorisme», a souligné George W. Bush dans un communiqué. Il a cependant concédé que cette mort ne mettrait «pas fin à la violence en Irak».
S'il a rappelé que l'exécution montrait «le chemin parcouru par les Irakiens depuis la fin du régime de Saddam Hussein», il a aussi relevé que «les progrès qu'ils ont accomplis n'auraient pas été possibles sans le service et le sacrifice de nos hommes et femmes en uniforme».
Même satisfaction de Londres, qui reste l'indéfectible allié de Washington dans le dossier irakien. «Je salue le fait que Saddam Hussein ait été jugé par un tribunal irakien pour quelques-uns des crimes épouvantables qu'il a commis contre le peuple irakien. Il a maintenant payé», a souligné la ministre britannique des Affaires étrangères Margaret Beckett. Dans un difficile exercice de funambulisme, elle a cependant rappelé que la Grande-Bretagne «ne soutient pas le recours à la peine de mort, en Irak ou ailleurs», même si Londres «respecte la décision des autorités irakiennes».
Tout en prenant acte de cette exécution, la France a quant elle plaidé «comme l'ensemble de ses partenaires européens pour l'abolition universelle de la peine de mort».
Une position réaffirmée par le chef de diplomatie finlandaise Erkii Tuomioja, dont le pays exerce jusqu'à dimanche soir la présidence tournante de l'Union européenne. Selon lui, la peine capitale «n'aurait pas dû être appliquée, même si les graves violations des droits de l'Homme commises par Saddam Hussein ne font aucun doute».
La Russie, dont le président Vladimir Poutine s'était publiquement opposé à l'invasion de l'Irak en 2003, a regretté qu'il n'ait pas été tenu compte de l'opposition internationale à cette exécution.
«Les conséquences politiques de cette mesure auraient dû être prises en compte», a fait valoir Mikhaïl Kamiounine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Pour Moscou, «l'exécution de Saddam Hussein pourrait conduire à une nouvelle aggravation de l'atmosphère politico-militaire et accroître les tensions ethniques et religieuses».
Tout aussi virulent, le père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, a jugé que cette exécution «tragique» constituait «un motif de tristesse» et n'aiderait pas «les efforts en faveur de la justice et de la réconciliation».
Alors que le monde musulman s'apprête à célébrer l'Aïd al-Adha (ou Aïd el-Kébir), rares sont les pays arabes qui ont officiellement réagi à la mort de l'ancien raJis irakien.
Le gouvernement libyen a décrété un deuil de trois jours et annulé toutes les célébrations de la fête du sacrifice, tandis que des manifestations de tristesse avaient lieu dans les territoires palestiniens. Mohammed Barghouti, ministre du Travail et membre du Hamas, a expliqué que Palestiniens et Irakiens avaient des «liens fraternels», condamnant la pendaison.
En Afghanistan, le président Hamid KarzaJi, allié de premier plan des États-Unis au Moyen-Orient, a implicitement critiqué le moment de l'exécution de Saddam Hussein en cette période de fête. «Nous souhaitons affirmer que l'Aïd est un jour de joie et de réconciliation, pas un jour de vengeance», a-t-il déclaré après avoir prié à la principale mosquée de Kaboul.
L'Inde redoutait quant à elle un embrasement. «Nous espérons que cet événement malheureux n'affectera pas le processus de réconciliation, de rétablissement de la paix et de retour à la normale en Irak», a souligné le ministre indien des Affaires extérieures Pranab Mukherjee.
Au Pakistan, Liaquat Balush, le leader de la coalition Mutahida Majlis-e-Amal réunissant six partis religieux, a regretté que l'ancien président irakien n'ait pas été jugé équitablement tout en assurant n'éprouver «aucune sympathie pour Saddam Hussein». Aux yeux de ce chef islamiste, cette exécution semble s'inscrire dans «le plan américain de désintégration de l'Irak».
Autre proche allié de Washington, l'Australie préférait se projeter dans l'avenir, voyant dans l'exécution du dictateur irakien «une étape importante dans la présentation de son régime tyrannique au jugement de l'histoire et dans la poursuite du processus de réconciliation», selon les mots du ministre des Affaires étrangères Alexander Down.