RABAT (AFP) - Le gouvernement marocain est engagé dans une campagne pour abolir la peine de mort dans le royaume, une initiative soutenue par des organismes de défense des droits de l'Homme mais critiquée par l'opposition islamique.
"Un débat est en cours", a expliqué vendredi à l'AFP Nabil Benabdellah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, qui, selon lui, souhaite "aboutir à un large consensus sur l'abolition".
Le Maroc compte quelque 130 condamnés à mort, incarcérés pour la plupart à la prison centrale de Kénitra. La dernière exécution a eu lieu en 1994.
Jeudi, le président du Conseil consultatif marocain des droits de l'Homme (CCDH, public), Driss Benzekri, a insisté pour que "l'interdiction absolue de la peine capitale soit inscrite dans la Constitution", avec le soutien, a-t-il dit, du roi Mohammed VI.
Par contre, un responsable du Parti islamiste Justice et développement (PJD, opposition parlementaire), Lahcen Daoudi, s'est prononcé contre cette réforme: "On ne peut pas voter pour l'abolition de la peine de mort", a-t-il déclaré à l'AFP. Il s'est dit toutefois en faveur de la restriction des cas qui prévoient la peine capitale.
Dans un geste inusité, le ministère marocain de la Justice a autorisé le 28 février des journalistes de l'AFP à rendre visite à des condamnés à mort dans les prisons de Larache, Kénitra (nord) et Safi (sud).
Les détenus ont pu parler et être filmés en présence de responsables de l'administration pénitentiaire.
"Vivre dans l'attente d'être exécutée est plus pénible que la mort elle-même", explique Souad Attifi, 38 ans, condamnée à mort en 1995 pour le meurtre de ses deux filles (11 mois et 3 ans).
"Cette condamnation à mort me torture, je vis mal, j'essaie simplement d'oublier, il faut abolir cette sentence", insiste la prisonnière qui explique son double crime par un "coup de folie".
Souad Attifi, l'une des 24 femmes condamnées à la peine capitale au Maroc, attend dans sa cellule de la prison de Larache (nord) en faisant des travaux de couture.
Mustapha Beloute, 42 ans, un autre condamné à mort rencontré à la prison de Safi (sud), appelle l'Etat, qu'il qualifie de "tolérant", à "supprimer la peine capitale à l'instar des grandes nations occidentales".
Cet ex-gendarme a été condamné en 1996 pour le meurtre d'un policier dans des conditions mystérieuses. En captivité, il est devenu peintre, et il a reproduit sur un mur de sa cellule une toile du peintre français Clovis Trouille (1889-1975).
"La peinture est ma passion. Mais, il m'arrive de ne pas la pratiquer, surtout lorsque le moral est bas", confie-t-il à l'AFP en présence du directeur de la prison.
Des partis politiques, dont l'Union socialiste des forces populaires (USFP) - principale formation gouvernementale - se sont déclarés en faveur de l'abolition, tout comme sept ONG marocaines d'une coalition contre la peine capitale.
"Le Maroc est le premier pays arabe qui pourrait l'abolir parce que c'est le pays dans lequel la société civile débat le plus de la peine de mort", a récemment déclaré à Paris, Michel Taube, responsable de l'association Ensemble contre la peine de mort.
"Le Maroc d'aujourd'hui a donné la preuve que toutes les réformes sont possibles", a également souligné M. Benabdellah, le ministre de la Communication.
Les tribunaux marocains continuent à prononcer des condamnations à mort mais celles-ci n'ont pas été mises en application depuis 1994, date de l'exécution d'un commissaire de police pour le viol de nombreuses femmes - une affaire qui, à l'époque, avait défrayé la chronique.