Rosalia Omungo
NAIROBI , 13 juil (IPS) - Des politiciens des principaux partis et d'importants activistes des droits de l'Homme semblent tous reconnaître que le temps est venu pour le Kenya d'abolir la peine capitale. Mais au fur et à mesure qu'ils continuent d'en parler, des tribunaux continuent de prononcer des condamnations à mort, augmentant le nombre de détenus dans le couloir de la mort.
Le 21 juin, le ministre adjoint de la Justice et des Affaires constitutionnelles Danson Mungatana a déclaré aux journalistes, à Nairobi, que le gouvernement s'était engagé à abolir la peine de mort. ''Je suis conscient qu'il y a un projet avancé à cet effet'', a-t-il dit, répondant à une question spécialement adressée au gouvernement pour connaître sa position sur la peine de mort.
Mais il n'a donné aucune date limite pour l'abolition, ajoutant seulement : ''Tout ceci est à un stade préparatoire. Au moment opportun, cela finira par se résoudre au parlement''.
Les dernières exécutions officielles connues au Kenya remontent à 1987 au cours du mandat de Daniel Arap Moï. Parmi ceux qui avaient été pendus, il y avait Hezekiah Ochuka et Pancras Oteyo Okumu, accusés d'avoir organisé la tentative de coup d'Etat le 1er août 1982.
Depuis lors, des milliers ont été condamnés à mort et attendent l'exécution. IPS n'a pas pu obtenir des chiffres de l'administration pénitentiaire concernant le nombre exact de condamnés dans le couloir de la mort au moment où elle publiait cet article. Mais pendant les cinq années à compter de 2001 à 2005, 3.741 personnes ont été condamnées pour être pendues, soit une moyenne de 748 par an, selon les statistiques du ministère.
Dans la même période, moins de 200 peines de mort ont été commuées en détention à vie en appel. En 2003, le président Mwai Kibaki a également commué les sentences de mort de 223 condamnés. L'un de ceux qui n'avaient pas bénéficié en ce moment d'une grâce présidentielle parce que son dossier avait été égaré, était Samson Ochanda Owuor, l'un des plus anciens détenus ayant servi le plus longtemps dans le couloir de la mort, selon des informations de presse. Il avait été condamné pour vol avec coups et blessures en 1988. De plus, le meurtre et la trahison, le vol et la tentative de vol avec coups et blessures constituent des offenses capitales au Kenya.
Le ministre de l'Environnement, Kivutha Kibwana, a déclaré à IPS qu'il faisait partie des membres du gouvernement ayant demandé l'abolition de la peine de mort. ''Je crois que même si quelqu'un a tué un autre, vous ne corrigez pas la situation en tuant une autre personne. Cela fait deux morts'', a-t-il ajouté.
Des politiciens de renom dans l'opposition ont également exprimé leur soutien pour l'abolition dans des déclarations à la presse. Ceci montre que le projet de loi du gouvernement pour abolir la peine capitale recevrait le soutien de plusieurs partis.
''La peine de mort n'est pas une arme de dissuasion et devrait être abolie'', a récemment indiqué Anyang Nyongo du Mouvement démocratique orange -- qui comprend des membres de l'ancien parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Kenya (KANU) et le Parti démocratique libéral. ''On devrait offrir aux prisonniers la possibilité de travailler et d'apprendre à acquérir des compétences. De cette manière, ils seraient utiles en sortant de la prison''.
Actuellement, des détenus condamnés à mort ne sont pas autorisés à travailler. Ceci signifie qu'ils n'ont aucune économie ou expérience professionnelle pouvant les préparer pour la vie hors de la prison en cas de libération.
William Ruto, un député du KANU -- actuellement parti officiel de l'opposition -– a été encore plus direct, qualifiant la peine de mort de sentence ''vengeresse'' qui ne sert aucun but utile. ''Nous avons besoin d'une approche réhabilitable'', a-t-il ajouté.
La Commission nationale du Kenya pour les droits de l'Homme, un organe public indépendant, s'est fixé en 2003 de conseiller le gouvernement sur la protection et la promotion des droits humains; elle a également ajouté sa voix influente au débat en recommandant de façon urgente au parlement de prendre une mesure pour abolir la peine capitale.
''Même si c'est dans nos livres de droit et dans nos lois, ce n'est pas la meilleure chose à faire pour nous'', a indiqué Maina Kiai, président de la commission, au lancement d'une déclaration de principe sur la peine capitale en avril.
La peine de mort devrait être retirée de la constitution et des lois, amendées pour leur permettre d'aller dans le sens de ce changement.
La commission a demandé également un moratoire immédiat sur les peines de mort pour empêcher l'accroissement du nombre de ceux qui sont dans le couloir de la mort. Ceux qui sont déjà en face de la peine capitale devraient voir leurs sentences se commuer en emprisonnement à vie sur la base d'un décret présidentiel.
Haroun Ndubi, directeur exécutif de Haki Focus, une organisation des droits de l'Homme, a demandé si la peine de mort aidait à réduire les crimes violents qui prennent de l'ampleur au Kenya -- et a insinué qu'elle pouvait même contribuer à une augmentation des meurtres.
Il y avait ''beaucoup de jeunes gens'' impliqués dans des pirateries sur la route, qui ont tué leurs victimes dans le but d'éliminer toute personne qui pourrait témoigner contre eux lors des procès de peine capitale pour vol avec coups et blessures, a-t-il déclaré à IPS. ''Ils tuent... par crainte d'être condamnés si le témoin devait vivre pour témoigner'', a dit Ndubi, indiquant que l'abolition de la peine de mort réduirait le nombre de ce genre de meurtres.
Il a également soulevé des doutes sur la culpabilité de certains de ceux qui sont actuellement dans le couloir de la mort. Il y avait eu des plaintes de fausses accusations, et des condamnations sans preuves suffisantes, a-t-il souligné. Ndubi a ajouté que c'était ''inhumain et dégradant'' de condamner des personnes et de les laisser ensuite dans le couloir de la mort pendant des années d'affilée, vivant dans une peur constante de l'exécution.
Cette question a été également soulevée par Mungatana quand il s'est adressé à la presse. Il a estimé que la question principale à être tranchée était le sort de ceux déjà condamnés à mort, suggérant qu'une commutation de ces peines puisse être le premier pas vers l'abolition de la peine de mort au Kenya.