TEHERAN (AFP) - L'avocat de Hachem Aghajari, intellectuel réformateur iranien condamné à mort pour blasphème, a fait appel de la sentence lundi, créant les conditions d'une révision du verdict et d'un apaisement des esprits au moins provisoire.
Le procureur général de Hamédan (ouest), Zekrollah Ahmadi, et le directeur des relations publiques de la justice locale, Ali Reza Soleymani, ont d'abord annoncé le dépôt de l'appel, 24 heures avant la date butoir. Me Saleh Nikbakht, le défenseur de Hachem Aghajari, a ensuite précisé devant la presse à Téhéran avoir envoyé une lettre en ce sens à la justice de Hamédan, contre le gré de son client.
"Aghajari et sa famille ne sont pas d'accord, mais ils n'ont pas opposé de refus à ce que je le fasse, comme me le permet le mandat qui m'a été confié", a expliqué l'avocat. Selon celui-ci, il s'agissait "d'apaiser les esprits" avant que les étudiants, fers de lance de la protestation, ne célèbrent leur journée nationale le 7 décembre.
L'appel conteste l'intégralité du verdict, a rapporté le procureur général: la peine de mort, mais aussi les 74 coups de fouet, les huit années de prison à purger dans des villes en bordure du désert et les dix années de privation du droit d'enseigner. M. Aghajari enseigne l'Histoire à la faculté de formation des enseignants de Téhéran.
Le recours introduit est de nature à soulager les sympathisants de M. Aghajari, dont l'angoisse grandissait à mesure que le délai d'appel s'épuisait et que la peine menaçait de devenir exécutoire, mais aussi tous ceux qui s'inquiétaient de la réaction d'une partie de l'opinion publique, notamment des étudiants.
M. Aghajari, combattant de la première heure de la Révolution et invalide de guerre, a été condamné à mort le 6 novembre pour avoir plaidé en juin à Hamédan pour un "protestantisme de l'islam" et affirmé que les musulmans n'étaient pas des "singes" pour "suivre aveuglément (...) un chef religieux".
Ce verdict a soulevé une vague de protestations, jusque chez les conservateurs eux-mêmes, dont la justice passe pourtant pour un bastion. Il a aussi mobilisé les étudiants, dont la contestation a pris des accents de plus en plus politiques depuis le 9 novembre jusqu'à l'interdiction de toute manifestation le 20 novembre.
Le Guide suprême Ali Khamenei a lui-même ordonné le 17 novembre la révision du dossier pour désamorcer la crise. Les voix se sont alors élevées en nombre pour presser la justice de se conformer à ses instructions. Mais la situation s'est brutalement crispée mardi quand le procureur général du pays a affirmé que le condamné devait impérativement faire appel pour que la justice rouvre le dossier. Hachem Aghajari avait fait opposer une fin de non-recevoir par son avocat. Chacun refusait, semble-t-il, de perdre la face. A présent, "le dossier sera envoyé le plus vite possible devant la Cour suprême", a dit le procureur général de Hamédan.
D'après Me Nikbakht, la Cour suprême "peut casser le verdict et renvoyer l'affaire" devant une autre juridiction. L'avocat a demandé que le dossier ne revienne pas devant un autre tribunal de Hamédan "car, vu l'état de la justice dans cette ville, un autre tribunal risquerait de maintenir le verdict ou au moins toutes les autres peines" en dehors de la condamnation à mort.
Mostapha Tajzadeh, un des principaux dirigeants de l'Organisation des moudjahidine de la révolution islamique (OMRI), parti réformateur auquel appartient M. Aghajari, a déclaré ne pas être "très optimiste". "Ils peuvent casser la condamnation à mort et confirmer le reste du verdict", a-t-il estimé. L'OMRI espère désormais que Hachem Aghajari, emprisonné depuis le 8 août à Hamedan, "sera libéré sous caution".
Selon Hachem Aghajari, cité par son avocat, "cette condamnation a eu des effets encore plus néfastes pour l'Iran que la décision de détruire les bouddhas en Afghanistan".