CHICAGO (AP) - Avant de quitter ses fonctions, le gouverneur républicain de l'Illinois jette un pavé dans la mare. George Ryan va commuer les peines de tous les condamnés à mort de l'Etat, a annoncé samedi son porte-parole.
Cette décision concerne les 156 détenus se trouvant actuellement dans le couloir de la mort dans cet Etat du nord-est des Etats-Unis.
Vendredi soir, le gouverneur Ryan avait déjà gracié quatre condamnés à mort qui, selon lui, avaient été torturés par la police de Chicago dans les années 80 pour avouer des meurtres qu'ils n'avaient pas commis.
La quasi-totalité des peines capitales prononcées seront commuées en perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Mais trois condamnés à mort bénéficieront d'une peine moins longue et pourront un jour sortir de prison, même si leur libération n'est pas imminente.
"Il en parlait depuis quelques jours", a rapporté Dennis Culloton, porte-parole du gouverneur. "Finalement, hier soir, il est arrivé à la décision que c'était la seule chose à faire."
Dans la nuit, le gouverneur a envoyé des lettres aux familles des victimes de meurtres pour les prévenir de son intention de commuer les peines de tous les condamnés à mort. Cette décision devait être annoncée publiquement dans la journée par le gouverneur dans un discours.
Vern Fuling, dont le fils William avait été tué par balles en 1985, a exprimé sa colère à l'idée que le meurtrier, condamné à mort, soit désormais autorisé à vivre. "Mon fils est sous terre depuis 17 ans et la justice n'a pas été rendue", a-t-il déploré. "C'est comme une moquerie."
Le gouverneur de l'Illinois avait décrété il y a trois ans un moratoire sur les exécutions capitales dans son Etat et s'était engagé, depuis, dans une campagne pour réformer la peine de mort. Lors des élections de mi-mandat en novembre dernier, il n'avait pas brigué de second mandat. Il cédera donc lundi son fauteuil de gouverneur.
Dès l'annonce de leur grâce, trois des quatre intéressés -Madison Hobley, Aaron Patterson et Leroy Orange- ont été libérés, tandis que le quatrième, Stanley Howard, condamné pour d'autres faits, restait détenu. Les quatre hommes se trouvaient dans le couloir de la mort depuis 12 à 17 ans.
Dans un discours devant l'université DePaul, le gouverneur Ryan a estimé que ces quatre cas étaient de "parfaits exemples de ce qui est si terriblement brisé dans notre système".
"Nous avons des preuves de quatre hommes, qui ne se connaissaient pas, tous ayant été battus, torturés et reconnus coupables sur la base d'aveux qu'ils auraient faits", a ajouté George Ryan. "Je pense qu'une injustice manifeste s'est produite."
Dans son discours d'une heure, le gouverneur a reproché au système judiciaire criminel de l'Illinois d'être "inexact, injuste, incapable de faire la différence entre les innocents et les coupables et parfois très raciste". Il a mis en cause des "flics véreux", des procureurs zélés, des avocats incompétents et des juges qui prennent leurs décisions davantage en fonction de raisons techniques que de ce qui est juste.
Les réactions des défenseurs de la peine de mort ne se sont pas fait attendre. Dick Devine, procureur du comté Cook de Chicago, a ainsi qualifié les grâces de "scandaleuses" et de "déraisonnables". Et d'ajouter: "Par ses décisions, le gouverneur a rompu le lien de confiance qui le liait à la mémoire des victimes décédées, à leurs familles et aux personnes qu'il avait été élu pour servir".
Le successeur du gouverneur Ryan, le démocrate Rod Blagojevich, qui doit prendre ses fonctions lundi, a lui aussi critiqué la décision de commutation générale en la qualifiant de "grosse erreur". "Chaque cas devrait être réexaminé individuellement", a estimé le gouverneur-élu. "On parle de gens qui ont commis un meurtre."
En janvier 2000, le gouverneur avait décrété un moratoire sur les exécutions capitales dans son Etat après une série de décisions de justice par lesquelles les tribunaux avaient reconnu que 13 détenus avaient été condamnés à mort par erreur depuis 1977. Entre 1977 -date à laquelle l'Illinois a rétabli la peine de mort- et 2000, début du moratoire, 12 condamnés à mort ont été exécutés dans cet Etat.