WASHINGTON (AFP) - La justice américaine a confirmé jeudi l'annulation de la condamnation à mort de Mumia Abu-Jamal, icône internationale de la lutte contre la peine capitale, tout en réaffirmant sa culpabilité dans le meurtre d'un policier en 1981 à Philadelphie.
Le comité de soutien du condamné a dénoncé une "décision dévastatrice" et appelé à plusieurs manifestations, vendredi à New York et le 26 avril à Philadelphie.
Par 2 voix contre 1, la cour d'appel fédérale de Philadelphie a en effet refusé d'accorder un nouveau procès à Mumia Abu-Jamal, un ancien journaliste radio et militant des "black panthers", aujourd'hui âgé de 53 ans, qui clame son innocence dans le meurtre en 1981 du policier Daniel Faulkner.
La condamnation à mort sera commuée automatiquement en réclusion criminelle à perpétuité, à moins que l'accusation ne se présente à nouveau devant un jury pour tenter d'obtenir la peine de mort.
Les juges ont en effet estimé que lors du procès de 1982, les instructions données aux jurés ont pu leur faire croire qu'ils devaient d'abord s'accorder à l'unanimité sur les circonstances atténuantes pouvant épargner au condamné la peine capitale, alors que la procédure est en fait moins restrictive.
Concernant la culpabilité, la cour d'appel, qui n'est pas chargée de se prononcer sur le fond mais sur la forme, a rejeté les arguments dénonçant des violations des droits de la défense.
Mumia Abu-Jamal contestait notamment le fait que 10 des 15 récusations de jurés potentiels prononcées par l'accusation aient concerné des Noirs. Le code de procédure pénale interdit en effet de récuser un juré potentiel en raison de la couleur de sa peau. Le jury final comportait dix Blancs et deux Noirs.
Jeudi, la cour d'appel a rejeté cet argument, estimant que la défense n'avait pas présenté suffisamment d'éléments laissant penser que les récusations étaient dues à la race des jurés potentiels.
Beaucoup des partisans de Mumia Abu-Jamal, dont les photos et les longues tresses rastas ont fait le tour du monde, estiment pourtant que l'ancien journaliste, militant de la cause des Noirs, a été victime d'un procès politique et de forts préjugés racistes.
La ville de Paris l'a élevé au rang de citoyen d'honneur en 2003, et une rue de Saint-Denis, en banlieue parisienne, porte son nom.
Jeudi soir, SOS Racisme s'est "félicité" de la décision sur la condamnation à mort, tout en précisant que "le combat ne s'(arrêtait) pas là", et qu'il fallait désormais que la justice reconnaisse l'innocence de Mumia Abu-Jamal.
"Cette première victoire en appelle d'autres. Celle de la reconnaissance de son innocence. Celle de la reconnaissance de la responsabilité de la justice américaine dans la condamnation d'un homme du fait de ses seules opinions politiques. Celle, enfin, de sa libération", a ajouté la secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet.
Selon la défense, un certain Arnold Beverly a avoué en 1999 être l'auteur de l'assassinat de M. Faulkner, expliquant qu'il avait été recruté par la mafia parce que les enquêtes du policier le rapprochaient un peu trop de certaines figures du crime organisé.
Mais ce point de vue n'est pas partagé par la veuve du policier tué, Maureen Faulkner, qui a déclaré dans un entretien télévisé en 1998: "Mumia n'est rien d'autre qu'un meurtrier de sang froid" dont les partisans ont été "induits en erreur". Et la ville de Philadelphie a déposé plainte en 2006 contre Paris et Saint-Denis pour "apologie du crime".