WASHINGTON (AFP) - La décision de l'Illinois de vider son couloir de la mort renforce les antagonismes entre partisans de la peine de mort, confortés par les positions du président George W. Bush en tête, et abolitionnistes qui tablent sur une prise de conscience de l'opinion publique.
Pour les opposants comme pour les partisans de l'application de la peine capitale, le geste sans précédent du gouverneur George Ryan de commuer les peines de 167 détenus en prison à vie a modifié les termes du débat.
"Cela va aviver la discussion", estime le juriste Robert Dierstein, spécialiste de la peine capitale .
Selon lui, "ceux qui sont favorables (à la peine capitale), n'auront pas envie d'écouter les avis contraires. Et ceux qui sont contre ne pourront pas être convaincus qu'ils ont tort".
Comme pour mieux illustrer le fossé qui sépare les Américains dans une proportion de 65 % pour la peine de mort contre 35 %, le président Bush, ancien gouverneur de l'Etat, le Texas, détenteur du record absolu d'exécutions, a montré que la décision de M. Ryan ne l'avait pas ébranlé.
"Le président estime que la peine de mort est un moyen de dissuasion efficace et rien n'est venu changer son opinion en la matière", a indiqué lundi Ari Fleischer, porte-parole de la Maison Blanche.
Ari Fleischer a indiqué qu'il "n'y avait rien en cours au niveau fédéral" concernant une mesure similaire à celle prise par le gouverneur de l'Illinois. "Les mesures sont en place pour s'assurer que la justice est correctement rendue", a-t-il estimé.
Le tournant que pourrait prendre le débat, explique le professeur Dierstein, qui enseigne le droit à l'American University de Washington, aura lieu si les Etats qui exécutent le plus ou qui ont les couloirs de la mort les plus importants, comme le Texas, la Virginie et la Californie, commencent aux aussi à s'interroger sur l'équité du sytème.
"La Cour suprême devra alors prendre en compte ce qui se passe dans les Etats pour ses évaluations au regard des exigences de la Constitution", estime Diann Rust-Tierney, directrice du Capital Punishment Project à l'American Civil Liberties Union (ACLU).
Elle prévoit que les injustices constatées dans l'Illinois ne pouvaient être ignorées plus longtemps, comme ne peuvent être ignorées celles qui ont cours dans d'autres Etats de l'Union.
Et si d'autres gouverneurs suivent l'exemple donné par George Ryan, la haute cour qui a rétabli la peine capitale en 1976 et dont les positions restent majoritairement conservatrices, pourrait elle aussi évoluer dans ses positions.
Selon les experts, la décision prise l'an dernier par la haute cour sur l'inconstitutionnalité de la peine de mort appliquée aux attardés mentaux est ainsi révélatrice du changement de climat aux Etats-Unis au regard de ce dossier.
Le rôle du président Bush dans ce contexte pourrait s'avérer primordial dans un avenir proche, l'une des prérogatives du chef de la Maison Blanche étant de nommer les juges de la Cour suprême dont certains -- au moins deux -- sont pressentis pour quitter leurs fonctions en raison de leur âge ou de leur état de santé.
Pour Larry Fox, président du Death Penalty Research Project (DPRP) au sein de l'Association du barreau américain, "ceux qui sont opposés au système qui impose la peine de mort vont devenir plus combatifs".
Quant aux autres, affirme M. Fox à l'AFP, "ils vont être encore plus en colère". Mais, ajoute-t-il, une colère qui en fin de compte laissera place à une nouvelle réflexion.
"Voilà une personne, Ryan, qui a changé d'avis. On peut donc envisager que d'autres changeront eux aussi d'opinion, se demanderont ce qui ne va pas dans le système, s'ils sont dans l'erreur. Finalement, à long terme, les positions pourraient converger", affirme le président du DPRP.