CHICAGO (AP) - Encouragé par la décision du gouverneur de l'Illinois de commuer les peines de tous les condamnés à mort de l'Etat, le camp des abolitionnistes aux Etats-Unis espère que la mesure va faire école. Mais les partisans de la peine capitale mettent en doute les motivations réelles de George Ryan.
Les adversaires de la peine de mort saluent le geste audacieux du gouverneur républicain dans un pays largement acquis à la peine de mort. Samedi, à deux jours de la fin de son mandat, M. Ryan a commué les peines des 167 condamnés à mort dans l'Etat, arguant que le système judiciaire était "hanté par le démon de l'erreur". Pour la plupart, la peine de substitution retenue est la prison à vie.
Les abolitionnistes parlent d'un exemple pour le reste du pays. "Il est inévitable qu'une dynamique va suivre cette annonce", prédit David Elliot, porte-parole de la Coalition nationale pour l'abolition de la peine de mort. "Cela va renforcer l'impression grandissante dans l'esprit des Américains que le système de la peine de mort est fondamentalement déficient".
En revanche, les partisans du châtiment suprême ne voient dans ce geste de clémence qu'un écran de fumée destiné à faire diversion à un scandale politique qui risque de ternir sérieusement le bilan du gouverneur.
George Ryan quittait ses fonctions lundi à la veille de l'ouverture d'un procès pour racket mettant en cause son ancien secrétaire général, Scott Fawell, et son comité de campagne. Depuis que Ryan a pris ses fonctions en 1999, une enquête sur une affaire de corruption remontant au temps où il était secrétaire d'Etat du Michigan a été ouverte et de proches collaborateurs et amis inculpés. S'il n'a pas encore été mis en cause lui-même par la justice, les procureurs affirment qu'il savait que ses collaborateurs détruisaient des documents-clés compromettants.
"Quelle étonnante coïcidence qu'il sorte cette mesure de sa poche au dernier moment", s'étonne ironiquement le procureur Kevin Lyons. Dianne Clements, présidente de Justice pour tous, un groupe de défense de la peine de mort, accuse de son côté Ryan de chercher à se construire une postérité.
"A mon avis, la peine de mort n'a jamais été la vraie question. C'est un écran de fumée", renchérit Jacqui White, irritée que la décision de Ryan permette au meurtrier de sa soeur de vivre.
Le sénateur Peter Roskam, un républicain partisan de changements moins radicaux que Ryan sur la peine de mort, estime que la réaction des familles de victimes et des procureurs pourrait bloquer les tentatives de réforme. "Je ne pense pas que l'opinion comprendra pourquoi les gens qui ont commis des crimes vils et brutaux contres des enfants, des femmes et des hommes dans l'Illinois ne recevront pas le châtiment ultime", dit-il.
Ryan avait décrété un moratoire en 2000 sur les exécutions dans l'Illinois après que 13 personnes condamnées à mort depuis 1977 eurent été innocentées. Le Maryland a suivi l'exemple en suspendant les exécutions l'an dernier et plusieurs autres Etats envisagent des réformes, souligne Nancy Bothne, une responsable d'Amnesty International USA.
Ryan "a choisi de combattre la machine de mort", a déclaré le pasteur noir américain Jesse Jackson dimanche dans un sermon à New York. "Il a choisi de mettre fin au lynchage légal".