WASHINGTON (Reuters) - De nombreux militants contre la peine de mort à travers le monde ont applaudi dimanche la décision du gouverneur de l'Illinois George Ryan de gracier 167 condamnés à mort et exhorté, sans trop y croire, le président George Bush à suivre son exemple.
Pour Amnesty International, la décision historique de Ryan offre une chance au chef de la Maison blanche de "rapprocher les Etats-Unis du mouvement général contre la peine de mort dans le monde".
Le président mexicain Vicente Fox lui-même, dont le pays ne pratique pas la peine capitale, et qui est opposé aux exécutions affectant de nombreux compatriotes, a félicité George Ryan.
Le gouverneur républicain de l'Illinois, qui avait fait campagne pour la peine de mort, a pris sa décision deux jours avant la fin de son mandat pour dénoncer les dysfonctionnements du système de la peine de mort.
Une enquête effectuée pendant trois années dans l'Etat vient de conclure que 13 condamnés à mort étaient en fait innocents.
Mais George Bush, qui a présidé à 152 exécutions en six ans lorsqu'il était gouverneur du Texas, avait déjà rejeté en juin 2001 les réactions de protestation qui avaient accompagné l'exécution de Timothy McVeigh, condamné à mort pour l'attentat d'Oklahoma City. Il s'agissait alors de la première exécution fédérale depuis 1963.
"Je comprends que la peine capitale suscite de nombreuses émotions chez la plupart des gens", avait déclaré Bush à l'époque. "Mais en démocratie, les questions sont débattues, les lois sont dans les livres, et c'est au pouvoir exécutif de respecter ses lois, ce que je ferai en tant que président."
L'OPINION DERRIERE BUSH
S'il n'a pas encore réagi officiellement à la décision de George Ryan, le président Bush ne devrait pas modifier d'un iota sa décision, fort du soutien de l'opinion.
Celle-ci s'interroge cependant de plus en plus sur les erreurs qui auraient pu conduire à des exécutions d'innocents, démontrées notamment par l'usage accru de recoupements à l'ADN.
Un sondage Gallup en octobre de l'an dernier avait montré que 70% des Américains étaient favorables à la peine capitale. L'enquête avait toutefois été effectuée alors qu'un sniper terrorisait la région de Washington et le chiffre reste en-deçà d'un précédent sondage effectué en 1994 (80%). En mai 2001, 40% des Américains estimaient que la peine de mort était administrée dans leur pays de manière inéquitable.
Conscients à la fois de l'inébranlable position de George Bush, et de ces interrogations de l'opinion, les militants américains de lutte contre la peine de mort comptent mener une campagne Etat par Etat en réclamant des moratoires, une meilleure défense des prévenues ou encore l'enregistrement vidéo des aveux. "2003 sera l'année de la réforme de la peine capitale aux Etats-Unis", promet David Elliott, porte-parole de la Coalition nationale pour l'abolition de la peine de mort.
La peine capitale a été réintroduite aux Etats-Unis par décision de la Cour suprême en 1976 après un moratoire de dix années.
En 2002, 71 prisonniers y ont été exécutés, contre 66 en 2001. Au 1er octobre 2002, le nombre de condamnés patientant dans les "couloirs de la mort" atteignait 3.697.