Cérémonies publiques - Création d'une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort - Examen du rapport
Puis la commission a examiné le rapport de Mme Nicole Borvo sur la proposition de loi n° 374 (2000-2001) de Mme Nicole Borvo et de plusieurs de ses collègues, tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, a tout d'abord indiqué que l'abolition de la peine de mort en France ne s'était imposée que progressivement à partir du XVIIIe siècle, siècle des Lumières, pour connaître, au gré des événements historiques, une accélération et se concrétiser véritablement au XXe siècle.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, a rappelé que la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort présentée par M. Robert Badinter, à l'époque garde des sceaux, avait parachevé cette évolution, la France étant devenue, à l'époque, le trente-cinquième pays abolitionniste. Elle s'est félicitée de constater que cent huit pays avaient suivi cette voie (sur cent quatre-vingt-neuf pays membres de l'Organisation des Nations unies). Elle a noté la consécration internationale du principe abolitionniste, expliquant que les instruments internationaux avaient contribué à sa diffusion. A cet égard, elle a en particulier mentionné le pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu le 16 décembre 1966 à l'initiative de l'ONU stipulant que le droit à la vie était inhérent à la personne humaine ainsi que le protocole additionnel à ce pacte destiné à faire obstacle au rétablissement de la peine capitale en cas de guerre ou de circonstances exceptionnelles adopté en décembre 1989.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, a ajouté que le droit européen sous l'impulsion du Conseil de l'Europe avait également contribué au recul de la peine de mort en Europe avec la signature du protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales imposant à tous les Etats parties l'ayant ratifié l'abolition de la peine de mort. Elle a enfin salué l'organisation, en juin 2001, du premier Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est tenu à Strasbourg sous l'égide du Parlement européen et du Conseil de l'Europe.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, s'est toutefois inquiétée de ce que la situation demeure très contrastée en matière de condamnations à mort, observant que l'objectif de l'abolition universelle de la peine capitale était encore loin d'être atteint, après avoir noté, avec regret, que quatre-vingt-six pays disposaient encore d'un arsenal pénal répressif prévoyant la peine de mort. Elle a constaté que les statistiques étaient encore loin d'être encourageantes, compte tenu des 1.813 exécutions pratiquées en 1999 dans plus de trente pays, ainsi que des 3.857 condamnations prononcées dans soixante-quatre pays. Elle a dénoncé la forte concentration géographique des pays où était pratiquée la peine de mort, 85 % des exécutions ayant lieu principalement dans cinq pays seulement : en Arabie saoudite, en Chine, aux Etats-Unis, en Iran et en République démocratique du Congo.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, a fait valoir les récentes initiatives européennes en faveur de l'instauration d'un moratoire universel sur les exécutions, en particulier l'adoption, le 7 décembre 2000, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ayant proclamé l'interdiction, pour un Etat, de prononcer une condamnation à mort ou de pratiquer une exécution.
Mme Nicole Borvo, rapporteur, a expliqué que cette proposition de loi se fondait sur le souci de réaffirmer l'engagement de la France en faveur de l'abolition de la peine de mort et sur la volonté de généraliser l'interdiction de cette peine à l'échelle internationale. Elle a observé que cette proposition de loi constituait le prolongement d'un mouvement plus ancien amorcé par le législateur en 1996 qui, de sa propre initiative, avait déjà adopté des mesures tendant à instituer une journée nationale consacrée à une cause d'une particulière importance, citant, pour illustrer ses propos, la loi du 9 avril 1996 tendant à faire du 20 novembre une journée nationale des droits de l'enfant ou encore la loi du 10 juillet 2000 instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « justes » de France.
Après avoir relevé que cette proposition de loi pourrait être l'occasion d'engager un travail de réflexion utile pour l'ensemble des citoyens français et d'amplifier le rayonnement du mouvement abolitionniste, Mme Nicole Borvo, rapporteur, a proposé son adoption. Elle a rappelé que ce texte avait, d'une part, pour objet essentiel d'instituer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort et, d'autre part, qu'il comportait des dispositions complémentaires destinées à donner un plus grand retentissement à cette journée.
Afin d'améliorer le dispositif proposé, Mme Nicole Borvo, rapporteur, a toutefois proposé quatre modifications tendant à :
- préciser à l'article premier que l'institution d'une journée nationale, le 9 octobre, correspondait au jour anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi portant abolition de la peine de mort ;
- confier à l'autorité compétente en matière de détermination des programmes -le ministre chargé de l'éducation nationale- plutôt qu'aux établissements d'enseignement public les conditions dans lesquelles serait effectué un travail pédagogique de réflexion sur l'abolition de la peine de mort et la justice dans les établissements scolaires à l'occasion de cette journée ;
- remplacer l'obligation faite aux services publics d'apporter leur concours à la promotion de cette journée par une simple faculté ;
- prévoir l'obligation pour le Gouvernement d'informer le Parlement chaque année sur les initiatives prises pour faire reculer la peine de mort dans le monde.
M. Robert Badinter s'est réjoui d'une telle proposition et tout particulièrement du choix de la date retenue pour l'institution de cette journée. Il n'a pas caché que les véritables progrès à accomplir sur une telle question se situaient sur le plan international, se félicitant que l'Europe tout entière ait aboli la peine de mort.
Il a observé que la journée nationale pourrait être susceptible d'influencer un grand nombre de pays africains qui, sans pour autant pratiquer la peine de mort, maintenaient l'existence de cette peine dans leur arsenal pénal. Il a émis le souhait d'une accélération du mouvement abolitionniste à l'échelle internationale.
M. Patrice Gélard, souscrivant pleinement aux propos du rapporteur, a jugé très positif que les établissements scolaires puissent mener, à l'occasion de cette journée sur le thème de la peine de mort, un travail de réflexion sur la valeur de la vie.
La commission a adopté, dans la rédaction proposée par le rapporteur, la proposition de loi tendant à créer une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.