N'DJAMENA (AFP) — L'ex-président tchadien Hissène Habré (1982-1990), en exil à Dakar et poursuivi pour crimes contre l'Humanité, et onze chefs rebelles tchadiens ont été condamnés à mort par contumace vendredi par la Cour criminelle à l'issue d'une audience expresse pour "atteinte à la sécurité de l'Etat".
Les douze condamnés ont été tous déclarés "coupables d'atteinte à l'ordre constitutionnel à l'intégrité et à la sécurité du territoire", selon une source judiciaire.
Trente et un autres membres de la rébellion ont été condamnés à des travaux forcés à perpétuité après avoir été reconnus coupables "d'attentats dans le but de détruire ou de changer le régime" du président tchadien Idriss Deby Itno.
Parmi les condamnés à mort de la rébellion figure son principal leader, le général Mahamat Nouri, un proche de l'ex-président Habré renversé en 1990 par M. Deby, mais aussi ex-ministre de la Défense de ce dernier.
La Cour a également ordonné "la confiscation" des biens des condamnés qui devront verser un franc CFA symbolique à titre de dommages et intérêts à l'Etat.
Ces condamnations ont été prononcées à la suite d'"une plainte de l'Etat" contre les différents condamnés, a-t-on indiqué de source officielle, qui a précisé qu'elle avait été déposée "en bonne et due forme" et avait "suivi son cours normal".
"On est surpris par cette décision de la Cour", a déclaré à l'AFP un avocat, ayant requis l'anonymat, soulignant que l'examen de la plainte et la délibération avaient pris "environ une heure à la Cour" pour se prononcer.
"On s'interroge aussi sur la condamnation commune d'Habré et des rebelles. Faut-il y voir une lecture du pouvoir qui pense que la rébellion et Habré sont de concert dans la préparation des attaques de la rébellion contre le régime?", s'est interrogée cette source.
Les 2 et 3 février, après avoir traversé le Tchad d'est en ouest en provenance de leurs bases arrières soudanaises en moins d'une semaine, les rebelles avaient attaqué N'Djamena, acculant le président Deby dans son palais.
Ce dernier les avait repoussés in extremis, notamment avec un soutien militaire de la France qui avait acheminé des munitions aux forces régulières.
Depuis, la rébellion s'était manifestée par des raids notamment en avril et en juin.
Lors des incursions de juin dans l'est du pays, de violents combats avaient opposé les forces gouvernementales à celles de la rébellion, en particulier à Am Zoer où des affrontements avaient fait au moins 162 morts, selon une source militaire tchadienne.
Un des responsables de la rébellion, joint par téléphone, Abderaman Koulamallah, condamné aux travaux forcés, a estimé que cette condamnation était "un honneur" que lui faisait "un régime dictatorial et antinational".
Réfugié au Sénégal depuis 1991, Hissène Habré est poursuivi pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture.
Une "commission d'enquête sur les crimes et détournements" commis durant les années Habré, créée après sa chute, a estimé à plus de 40.000, dont 4.000 identifiées nommément, le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées au cours de sa présidence.
Le Sénégal a récemment modifié sa Constitution pour pouvoir le traduire devant la justice. Ce pays a été mandaté en juillet 2006 par l'Union africaine (UA) pour juger M. Habré "au nom de l'Afrique".
La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), Ong basée à Dakar et partie civile pour le procès au Sénégal de M. Habré, a "désapprouvé totalement" cette condamnation, l'estimant "inique", "politique" et violant "un droit humain fondamental, le droit à la vie".